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deux faits. Le plus considérable fut le développement des mystères d’Éleusis. Sous l’influence de l’orphisme, à ce qu’il semble, par l’action particulière d’Onomacrite, ils se spiritualisent et se passionnent ; Iacchus y apparaît à la fois comme une sorte de génie des mystères et comme le représentant de l’âme immortelle ; et, en même temps, ils prennent dans l’état une grande importance. Le second fait, c’est que certains cultes étrangers, d’un caractère enthousiaste, forcent l’entrée de la ville. Les émotions de la guerre du Péloponèse, le trouble que ses péripéties et ses catastrophes jetèrent dans les âmes pendant la dernière partie du ve siècle, au moment où les sophistes les agitaient d’un autre côté par leurs hardiesses philosophiques, furent particulièrement favorables à cette intrusion.

Il était indispensable de rappeler quels furent le sens et la valeur de cette partie de l’histoire religieuse des Athéniens avant d’apprécier dans Aristophane les témoignages qui s’y rapportent. Disons tout de suite que sa situation personnelle dans ces questions fut exactement celle que nous lui avons reconnue à l’égard de la religion plus purement hellénique et plus populaire. Ici encore on trouve en lui un bon citoyen d’Athènes, nullement théologien, mais se plaçant naturellement au point de vue de la cité, qui comprend la religion au nombre de ses intérêts essentiels. Telles sont ses véritables dispositions, soit que les hasards d’une composition capricieuse, soit qu’un dessein arrêté qui tient au fond de son sujet, l’amènent à s’occuper des cultes étrangers et des mystères d’Éleusis.


I.

Aristophane et, autant qu’on en peut juger, les autres comiques se sont montrés franchement hostiles à l’introduction des cultes étrangers. On comprendrait cependant qu’ils eussent hésité, car sur ce point, à distance, les Athéniens paraissent indécis ou en contradiction avec eux-mêmes. Strabon remarque qu’ils étaient hospitaliers pour les dieux comme pour les hommes, et, à l’appui de cette assertion, il cite les religions enthousiastes de la déesse Bendis et de Sabazius. D’un autre côté, il est certain qu’en principe la cité n’était favorable, ni pour les hommes ni pour les dieux, à l’admission des étrangers. Chaque ville, en Grèce, avait ses dieux comme ses citoyens, dont il importait à son salut qu’elle défendît les droits ; et, en général, les Grecs avaient une préférence naturelle pour les divinités helléniques. Ce sentiment persista toujours. Lucien relègue aux places inférieures du banquet divin les Corybantes,