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LA RELIGION DANS ARISTOPHANE.

Attis, Sabazius, Mithras le Mède, avec sa robe à manches et sa tiare, qui ne parle pas grec et ne comprend pas quand on boit à sa santé. Ces dieux suspects, ces métèques (étrangers domiciliés) tapageurs et mal élevés, ne sont bons qu’à troubler les festins de l’Olympe et à faire renchérir le nectar et l’ambroisie. En réalité, ces étrangetés importées de la Thrace et de l’Asie étaient contraires à l’esprit grec, et la comédie, plus portée par nature vers le bon sens que vers l’enthousiasme, ne pouvait les accueillir. Il vint un temps où un besoin religieux que ne satisfaisaient pas les cultes reconnus, et des dispositions superstitieuses ou sensuelles auxquelles répondaient plus complètement les cultes nouveaux, ouvrirent à ceux-ci les portes d’Athènes : à ce moment la comédie leur fit la guerre ; elle les attaqua comme ridicules et immoraux.

Ainsi Cratinus avait fait une pièce, les Femmes thraces, dont la date nous reporte vers la victoire définitive de Périclès sur le parti aristocratique, et qui paraît avoir eu pour sujet principal la satire du culte de la déesse Bendis, sorte d’Artémis thrace. Ce culte était-il déjà reçu dans Athènes ? cela semble peu probable ; mais la comédie de Cratinus est la meilleure preuve de la faveur avec laquelle les Athéniens étaient disposés à l’accueillir ; autrement l’attaque eût été sans objet. Bientôt, comme on le voit au commencement de la République de Platon, la fête de la divinité barbare se célébrait avec éclat au Pirée, dont la population mêlée était plus facile aux influences extérieures. Platon suppose que l’entretien a lieu chez le vieux Céphale, le père de Lysias, le jour même où les Bendidies ont lieu pour la première fois. Tout Athènes y est venu ; il y a une belle procession d’Athéniens, une autre non moins belle de Thraces ; et la nouveauté qui obtient le plus de succès, c’est, le soir, une course aux flambeaux, non pas de coureurs à pied comme aux fêtes de Prométhée et de Vulcain ou aux Panathénées, mais de coureurs à cheval, qui luttent de vitesse en se transmettant les torches allumées ; curieux témoignages de ce goût de magnificence et d’extraordinaire qui se développe à mesure que s’affaiblit la foi traditionnelle et nationale. La fête se continuait pendant la nuit, et c’est alors sans doute que se donnait carrière la liberté originelle d’un culte enthousiaste.

Le caractère d’emportement religieux était plus marqué dans un autre culte thrace, dont la comédie s’est aussi occupée, celui de Cotys ou Cotytto, assimilée par les Grecs à leur Aphrodite. « Divine Cotys, toi que célèbre chez les Édoniens une musique retentissante… L’un tenant dans ses mains les flûtes bourdonnantes, ouvrages du tour, en module de ses doigts l’harmonie sonore, invitation bruyante au délire ; un autre fait résonner les cymbales