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il conserve encore des attributions fort diverses, exercées par différentes chambres ou départemens. Le sénat est en même temps cour de cassation, tribunal administratif, cour des comptes, il a un département héraldique, et il servait de haute cour de justice pour les affaires politiques et les crimes contre l’état, jusqu’au récent décret qui vient de transférer une partie de ces affaires aux tribunaux militaires. Au sénat ressortit le contentieux administratif ainsi que tous les différends des représentans du pouvoir central et des organes élus du self-government local, les différends par exemple de nouveaux états provinciaux et des gouverneurs de province[1]. La sphère administrative et la sphère judiciaire, isolées dans les régions inférieures, se touchent ainsi à leur sommet dans la cour suprême. En laissant à un même corps le contrôle des deux principales branches de la vie publique, on se flatte d’avoir mieux assuré l’accord des pouvoirs et l’harmonie de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire. Si dans cette réunion il y a empiétement de l’un sur l’autre, c’est plutôt aujourd’hui au profit des maximes administratives et du tchinovnisme ; un jour ce sera peut-être l’inverse.

Le département de cassation du sénat se subdivise en deux sections, l’une pour les affaires civiles, l’autre pour les affaires criminelles. Près de chacune est placé un procureur général. Au sénat aboutissent tous les pourvois en cassation provenant de la justice de paix aussi bien que de la justice ordinaire. Grâce à cette double série de tribunaux, les chambres civiles et criminelles sont surchargées d’affaires, bien que les frais de la procédure arrêtent nombre de plaideurs[2]. De là des retards de plus en plus longs à mesure que s’accroît le nombre des provinces où sont en vigueur les nouvelles institutions judiciaires. Pour décharger la haute cour et hâter la marche des affaires, il a été question tantôt d’augmenter le nombre des causes que les juges de paix jugent sans appel[3], tantôt d’ériger les tribunaux de cercle en cours de cassation pour la justice de paix, tantôt enfin de créer, dans chaque arrondissement judiciaire des chambres de requêtes spéciales chargées d’étudier les pourvois en cassation formés contre les assises de paix[4]. De tous

  1. Voyez la Revue du 15 juin 1878.
  2. Tout pourvoi en cassation doit, pour les affaires civiles du moins, être accompagné d’un dépôt ou caution de 10 roubles qui, si le pourvoi est rejeté, n’est pas restitué aux plaideurs.
  3. Dans ce cas, ce sont les assises de paix qui font office de cour de cassation.
  4. D’après les projets naguère prêtés au ministère de la justice, ces chambres de requêtes seraient composées du président et d’un ou deux membres du tribunal de première instance, auxquels s’adjoindraient à tour de rôle trois juges de paix. La chambre ainsi composée examinerait tous les pourvois en cassation contre les sentences des assemblées de paix de son ressort, et les pourvois qui n’auraient pas été rejetés par elle seraient seuls portés devant le sénat. Ce système, qui mettrait en contact les magistrats des deux séries de tribunaux, aurait l’inconvénient de créer une instance de plus, et de compromettre l’unité d’interprétation de la loi par la multiplicité de pareilles chambres.