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peut-être tout simplement qu’entre l’Autriche et l’Angleterre il y a des intérêts communs dont on sent plus que jamais la. puissance à Vienne et à Londres. Assurément il y a entre l’Angleterre et l’Autriche des intérêts communs qui ne datent pas de l’arrivée du comte Karolyi à Londres, qui ont toujours existé, qui ont senti leur solidarité dans toutes les crises de l’Orient. Il y a entre les deux puissances des intérêts qui sont aussi communs à la France, et si ces intérêts s’étaient entendus à propos, malgré les réserves nécessaires de la politique française, ils auraient pu peut-être empêcher la dernière guerre. Ils peuvent encore en conjurer le retour ou les suites trop désastreuses par la confédération de toutes les prévoyances occidentales, également intéressées à préserver ce qui reste de l’équilibre oriental par l’observation exacte de ce traité de Berlin qui est comme un dernier concordat dans la débâcle de l’empire ottoman.

La question est pour le moment d’appliquer ces conventions de Berlin dans la Roumélie, dans cette province qui doit rester distincte de la Bulgarie indépendante dotée aujourd’hui d’une constitution en attendant qu’elle ait son prince. Le traité fixe les conditions nouvelles, le caractère et les limites de la souveraineté turque sur les Balkans. Le sultan a le droit de « pourvoir à la défense des frontières de terre et de mer de la province, en élevant des fortifications sur les frontières et en y entretenant des troupes. » De plus « le gouverneur général de la Roumélie orientale doit être nommé par la Sublime-Porte, avec l’assentiment des puissances, pour un terme de cinq ans. » Il y a aussi une commission européenne de réorganisation dont l’œuvre a été prévue et définie à Berlin. Tout cela est assez clair ; c’est la souveraineté ottomane consacrée de nouveau, quoique diminuée. Il s’agit aujourd’hui de passer à la pratique, de réintégrer les Turcs dans leurs droits sur la Roumélie au moment où les Russes vont quitter les Balkans, de sauver la transition devenue assez périlleuse par l’excitation des passions locales, par les propagandes séparatistes qui agitent le pays depuis un an, par le déchaînement de toutes les hostilités contre la restauration de l’autorité musulmane. C’est pour faire face aux dangers, aux complications prévues ou imprévues d’une telle crise qu’est née cette proposition d’une occupation mixte et temporaire de la Roumélie au nom de l’Europe comme un acheminement à l’application plus complète du traité de Berlin. La proposition pouvait être prévoyante, plus ou moins justifiée. Il est évident malgré tout qu’elle ne fait pas facilement son chemin. Elle est acceptée en principe un peu partout, elle est prise en considération, elle est examinée avec intérêt, et en définitive la diplomatie semble généralement jusqu’ici plus frappée des difficultés que des avantages. Quelles seront les puissances qui prendront part à cette occupation et dans quelle mesure se trouveront-elles représentées ? Quelles seront les positions assignées ou réservées aux divers contingens ? A qui appartiendra le commandement supérieur de ces forces