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mixtes chargées d’une œuvre commune de haute police européenne ? Quel sera le rôle de la commission internationale vis-à-vis des Turcs, vis-à-vis des administrations locales comme vis-à-vis des contingens militaires ? Voilà bien des questions qui n’ont sans doute rien d’insoluble, mais qui ne laissent pas de compliquer la situation, de préoccuper les cabinets appelés à prendre un parti.

Les diplomates du divan, qui ne manquent, ni de finesse ni d’esprit politique, n’ont eu aucune peine à démêler les embarras et les hésitations de l’Europe mise en demeure de prendre une résolution délicate. Ils se sont gardés de décliner dès le premier moment une proposition présentée dans une intention pacificatrice et en réalité faite peut-être pour remettre face à face toutes les politiques. Ils ont accepté, eux aussi, en principe. Ils ont paru se prêter à toutes les concessions, même à une prorogation des pouvoirs de la commission internationale chargée de la réorganisation de la Roumélie. Ils demandent seulement des explications et des garanties. Ils tiennent à occuper de leur côté quelques points, par exemple Bourgas et Ichtiman. Au. fond ils s’attachent à l’exécution la plus prompte possible du traité de Berlin sans dissimuler qu’à leurs yeux cette exécution, si on laissait faire le gouvernement turc, si on le laissait seul en face des populations, rencontrerait moins de difficultés qu’on ne le croit. Bref, depuis quelques semaines, la proposition de l’occupation mixte voyage entre les capitales de l’Europe sans arriver à prendre une forme précise et pratique. « Rien n’est décidé, » disait ces jours derniers à Londres le chancelier de l’échiquier devant le parlement prêt à entrer en vacances. Cependant l’heure approche où il faut qu’une résolution soit prise, puisque c’est le 1er mai que les Russes quittent les Balkans, et à défaut d’une occupation mixte directement négociée entre, les cabinets, il n’est point impossible qu’au dernier moment une conférence nouvelle se réunisse pour décider ce qui sera fait, Sans cela tout est encore une fois livré à l’imprévu, au hasard des résistances que les Turcs pourront rencontrer en rentrant en Roumélie et des incidens qui pourront naître de ces luttes sanglantes.

La vérité est qu’il n’ya que le choix des difficultés en Orient et que le danger n’est pas seulement sur les Balkans, : dans la Roumélie ; il est aussi bien aujourd’hui en Égypte, dans cette autre province du vieil empire ottoman qui, par son histoire, par les conditions particulières qui lui sont faites, semblerait destinée à une existence plus paisible et plus prospère. Les affaires de l’Égypte sont pour le moment à coup sûr un des écheveaux les plus embrouillés qu’il y ait en Europe, et le vice-roi, le khédive Ismaïl-Pacha, semble aggraver à plaisir la confusion par des crises où il compromet tous les intérêts de son pays, ou il risque de perdre lui-même sa couronne.

Ce n’est point, d’aujourd’hui sans doute que l’Égypte donne de l’occupation à l’Europe, qu’elle court les aventures politiques et financières.