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grandes complications dont le premier résultat est de mettre sous les armes, détenir au moins en éveil toutes les politiques. La question d’Orient elle-même, après avoir été tragiquement débattue par le fer et le feu sur les Balkans, est définitivement entrée, par la paix de Berlin, dans la phase des négociations, et elle ne donne plus à la diplomatie que des préoccupations intermittentes qui, sans être entièrement dissipées, vont en s’atténuant de jour en jour.

Les difficultés qu’on redoutait, qui ont paru un moment d’une solution difficile dans la région des Balkans, en Bulgarie, dans la Roumélie, tendent de plus en plus à s’évanouir, elles ont cessé d’inspirer des inquiétudes. La Russie est en plein mouvement de retraite. Le prince de Battenberg, le nouveau souverain élu de la Bulgarie, après être allé porter ses premiers hommages au tsar à Livadia, fait ses visites en Europe, et il se dispose à aller avant peu prendre possession de sa principauté, en passant par Constantinople, où il doit recevoir du sultan l’investiture. Le traité depuis si longtemps négocié entre l’Autriche et la Porte pour régler l’occupation de Novi-Bazar est définitivement signé et ratifié. De ce côté, il n’y a plus de nuages. Il ne reste donc que cette éternelle affaire des frontières grecques, et M. le ministre des affaires étrangères, avec la générosité d’un philhellène qui a été le premier à prendre en main la cause de la Grèce au congrès de Berlin, M. Waddington, a tout récemment adressé une circulaire aux divers cabinets pour les provoquer à une médiation collective. A vrai dire, la question a été posée plutôt que résolue dans les protocoles et le traité de Berlin, qui ont surexcité les espérances des Grecs sans imposer des conditions bien précises, indiscutables aux Turcs. Une négociation directe, suggérée par le traité lui-même, s’est engagée entre la Porte et le cabinet d’Athènes. Des plénipotentiaires ottomans et hellènes se sont réunis à Prevesa : ils ont discuté sans fin sur des limites que les uns voulaient étendre indéfiniment, que les autres voulaient restreindre autant que possible. Ils n’ont pu naturellement s’entendre ; la négociation directe est tombée d’elle-même, et c’est dans ces conditions que M. le ministre des affaires étrangères de France fait appel à l’intervention conciliatrice, à l’arbitrage de l’Europe. Sous quelle forme précise va s’exercer cette médiation, qui paraît acceptée en principe ? Dans quelle mesure sera-t-elle efficace ? Tout dépend évidemment du degré d’intérêt qu’y mettront les diverses puissances médiatrices. Dans tous les cas, la Grèce dût-elle être obligée de se résigner à quelques sacrifices d’espérances, que le zèle de M. Waddington s’efforcera certainement de limiter autant qu’il le pourra, la difficulté ne peut avoir rien d’insoluble. Il reste encore et toujours sans doute la question égyptienne que le khédive ne simplifie pas par ses actes, qui a laissé la France et l’Angleterre dans une situation assez délicate. C’est un ennui, il faut en convenir, c’est une complication épineuse, d’autant plus