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Si la commune n’avait eu que de tels actes à se reprocher, on en sourirait, et l’on pourrait en parler sans rougir. En tout cas, ce sont là des faits particuliers inhérens à l’état de choses qu’elle avait créé, mais dont l’insignifiante responsabilité ne retombe qu’indirectement sur elle. Il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit de la conduite que les agens choisis, nommés par elle ont tenue dans les administrations qu’ils ont eu à diriger. Là, le pillage a été systématisé, et les difficultés financières, au milieu desquelles l’insurrection s’est débattue pendant toute sa durée, ne rendent point excusables certains actes que nous allons raconter.


II. — LA DIRECTION DES DOMAINES.

L’octroi n’a point été seul administré par la commune. Dès que la révolte fut maîtresse de Paris, elle lit quelques tentatives d’administration sur les grandes compagnies financières. La commune s’était officiellement installée le 29 mars à l’Hôtel de Ville ; le 30, dans la nuit, elle fait envahir cinq compagnies d’assurance ; les scellés y sont apposés après que l’on a réquisitionné l’argent qui pouvait se trouver dans les caisses[1]. Elle ne fait, du reste, qu’imiter le comité central. Un des membres de celui-ci, Grêlier, dans une note écrite par lui le 23 février 1872, raconte qu’il a été délégué au ministère des affaires étrangères et à l’archevêché pour faire l’inventaire de l’argenterie. La commune ne s’arrêtera pas en chemin, et le 17 avril elle frappe sur des compagnies de chemins de fer une contribution de 2 millions imputables à l’arriéré de leurs impôts. C’étaient là, pour ainsi dire, des réquisitions d’état, mais on ne négligeait pas non plus les petits profits, et l’on signalait, sans scrupule, tout ce qui semblait de bonne prise : « Paris, le 22 avril 1871. Mon colonel, ayant porté mon bataillon rue de Courcelles, 36, école des frères, j’ai découvert près de ma caserne une maison où il y a chevaux et voitures. D’après les renseignemens que l’on m’a donnés, ça appartiendrait à un député de Versailles. Veuillez prendre s. v. p. des renseignemens à ce sujet. Je vous salue avec respect. Le commandant du 35e bataillon. E. Pigère. » Ou a cru que la maison de M. Thiers avait été respectée jusqu’au jour, 10 mai, où l’on en décréta la démolition ; c’est une erreur. Le 14 avril, dans la matinée, l’hôtel de la place Saint-George fut envahi ; on y saisit des papiers, et l’argenterie en fut enlevée. Le même jour, on fit ce que l’on

  1. Les scellés furent promptement levés : « La commune de Paris décrète : Les cinq compagnies d’assurance la Nationale, l’Urbaine, le Phénix, la Générale, l’Union sont autorisées à lever les scellés apposés sur leurs caisses et livres à la date du 29 courant. La saisie pratiquée à la requête de la commune est maintenue 31 mars 1871.