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appelait une perquisition, rue Rabelais, chez le marquis de Gallifet ; on y vola comme dans une ville prise d’assaut. La veille, on avait visité avec trop de soin l’hôtel Pereire. C’était le vol organisé, élevé à la hauteur d’une institution communale. Cela indigna Vermorel, qui fit rendre, à la date du 16 avril, un décret inutilement préservateur : « Article 3. — Aucune perquisition ou réquisition ne pourra être faite qu’elle n’ait été ordonnée par l’autorité compétente ou ses organes immédiats, porteurs de mandats réguliers, délivrés au nom des pouvoirs constitués par la commune. Toute perquisition ou réquisition arbitraire entraînera la mise en accusation de ses auteurs. » L’intention était bonne, mais elle ne peut être réputée pour le fait ; l’habitude était prise, nul décret n’était assez puissant pour la rompre : jusqu’au dernier moment on força les portes et on vola.

La commune avait cependant pris ses précautions et essayé de centraliser « le service » des réquisitions dans une seule administration, dans celle des domaines, où elle avait nommé Jules Fontaine en qualité de directeur. Fontaine avait des droits à la bienveillance communarde, et ses titres n’étaient point à dédaigner. Il me produit l’effet d’un déclassé qui a pris la mauvaise route et s’en est allé insensiblement jusqu’à la fondrière. Il n’était plus jeune ; il avait alors cinquante-quatre ans. Il donnait des leçons de mathématiques aux lycées Saint-Louis et Bonaparte, mais en réalité il vivait dans les sociétés secrètes, conspirait, et semble avoir eu pour spécialité politique de fabriquer ces bombes portatives que l’attentat d’Orsini avait mises à la mode dans le monde révolutionnaire. Il était mêlé à un complot avéré sous la fin du second empire ; il fut au nombre des accusés qui comparurent devant la haute cour siégeant à Blois, et le 8 août 1870 il s’entendit condamner à quinze ans de réclusion. Le gouvernement du 4 septembre s’empressa de le remettre en liberté et lui offrit une préfecture en guise de compensation ; Fontaine refusa, car on ne put le nommer dans le département d’Indre-et-Loire où il eût voulu être envoyé. Dans ce fabricant de bombes destinées à l’assassinat, dans cet ancien condamné, la commune reconnut facilement un des siens, et le nomma (9 avril) directeur général des domaines et du timbre, conservateur du matériel de l’ancienne liste civile, et enfin (7 mai) séquestre dés biens du clergé. Un mot assez drôle, que j’ai entendu, résume nettement ses fonctions. Un de ses employés disait : « Le citoyen Fontaine est confiscateur en chef. » Il a, dans l’histoire de la commune, une certaine notoriété due à la destruction de la maison de M. Thiers, destruction qu’il a toujours persisté à appeler « un déménagement. »

C’était un homme d’ordre, il tenait bien sa comptabilité. Dans