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dissoudre le parlement. Le premier ministre déclara donc que la question qui faisait l’objet de la motion avait été soulevée postérieurement aux élections générales, que les électeurs ne l’avaient pu prévoir et n’avaient pas eu à se prononcer sur elle, que le gouvernement refusait donc d’accepter la décision de la chambre comme l’expression des sentimens de la nation. Celle-ci serait consultée, et elle serait appelée à se prononcer aussi promptement que le permettrait l’application des changemens apportés à la législation électorale. Il n’y avait rien à objecter à une conduite strictement conforme aux règles constitutionnelles.

La campagne électorale s’ouvrit donc aussitôt. M. Disraeli avait compté sur la reconnaissance des nouveaux électeurs qu’il avait appelés à la vie politique. Sa confiance fut justifiée en partie. Ainsi dans le Lancashire, malgré l’influence héréditaire des Cavendish, le marquis de Hartington fat battu à une majorité énorme, et M. Gladstone lui-même ne put échapper à une défaite. Expiant chacune de ses évolutions politiques par un échec électoral, et abandonné successivement par l’université d’Oxford, par les électeurs de Newark et par ceux du Lancashire, M. Gladstone fut recueilli par les électeurs radicaux de Greenwich, qui viennent de le congédier à leur tour. Manchester et quelques autres circonscriptions importantes se prononcèrent en faveur du gouvernement ; mais les calculs du premier ministre se trouvèrent en défaut sur un autre point. La solidarité entre les deux branches de l’église établie lui semblait trop évidente pour que le clergé anglican ne prît pas l’alarme et ne comprît pas la nécessité de faire échouer la motion de M. Gladstone. Il avait donc cru à une action énergique qui ne se produisit pas. Au contraire, toutes les sectes qu’un esprit de jalousie animait contre l’église établie et qui enviaient son opulence firent immédiatement cause commune contre l’église d’Irlande, convaincues que sa suppression serait un acheminement au renversement de l’église d’Angleterre, et que tous les coups portés à l’une seraient nécessairement ressentis par l’autre. Presbytériens de toutes les nuances, méthodistes, baptistes, quakers, rivalisèrent d’ardeur avec les catholiques d’Irlande et votèrent contre le ministère, dont ils identifiaient la cause avec celle de l’anglicanisme. L’Irlande ne renvoya à la chambre des communes que trente-sept partisans du ministère. L’Ecosse en élut seulement sept. On ne put évaluer à moins de cent voix la majorité que le gouvernement aurait contre lui.

Avant que les élections fussent terminées, mais lorsqu’on prévoyait déjà la défaite du ministère, la reine voulut donner à M. Disraeli un témoignage éclatant de son estime : elle voulut l’élever à la pairie. M. Disraeli refusa une faveur d’autant plus flatteuse