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des dernières semaines, des deux derniers mois, n’ont qu’un caractère partiel et factice. Elles ne répondent ni à un mouvement réel d’opinion, ni même aux sentimens d’une partie considérable de la majorité républicaine des chambres, dont quelques membres, tous de la gauche, M. Fréminet, M. Casimir Perier, M. Franck-Chauveau, M. Alphonse Picart, se sont récemment prononcés avec une décisive netteté contre toute extension de l’amnistie, pour le respect des lois. Elles sont l’œuvre artificiellement passionnée et bruyante de quelques tribuns, impatiens d’importance, des partis les plus extrêmes. Toutes ces éruptions de radicalisme, ces tentatives de réhabilitations révolutionnaires, si éphémères et si restreintes qu’elles soient, n’en ont pas moins leur gravité. Elles ont mis à nu ce désordre moral qui est le phénomène du moment ; elles ont dévoilé les passions qui fermentent dans certaines régions, les instincts de révolte mal assoupis, les goûts incurables d’illégalité propres aux démagogues qui se disent républicains, les velléités à peine contenues d’anarchie ; elles ont montré où l’on pouvait aller, et c’est là le seul avantage qu’elles aient eu : en inquiétant l’opinion, elles l’ont réveillée à demi, elles ont fait sentir le besoin de mettre un terme à ces déchaînemens.

L’opinion s’est émue, et le gouvernement, à son tour, après avoir laissé beaucoup faire, n’a pas tardé à comprendre qu’il devait à sa propre dignité, qu’il devait au pays, et on peut dire à la république elle-même dont il est le gardien, d’arrêter ce débordement d’excès, d’accentuer son attitude. Il a renouvelé ses instructions pour recommander aux magistrats de maintenir l’autorité des lois. Il n’a point hésité à prendre une certaine initiative de sévérité, à faire peser la main de la justice sur ceux qui ne craignaient pas de relever le drapeau de la commune, de remettre en honneur de lugubres souvenirs de guerre civile. Ni M. le président de la république, ni les principaux ministres n’ont laissé ignorer qu’en aucun cas, ils ne se prêteraient à une extension de l’amnistie, et M. le ministre des finances a saisi ces jours derniers l’occasion de se prononcer avec la netteté la plus catégorique. Sur ce point le cabinet est parfaitement décidé. Que, malgré tout, ces premières mesures ou ces premières manifestations qui ressemblent à un réveil d’autorité révèlent encore certaines hésitations, certaines perplexités, on peut bien le soupçonner rien qu’à voir le soin avec lequel M. le ministre de l’intérieur s’efforce de pallier la destitution de quelques L paires du cortège de M. Blanqui ou de M. Louis Blanc par la révocation de beaucoup d’autres maires royalistes. M. le ministre de l’intérieur n’est décidément pas la force du régime nouveau. Ce qu’il y a de certain, c’est que le gouvernement, dont les chefs principaux n’en sont plus à sentir la nécessité d’une action plus ferme, n’a qu’à vouloir : il est assuré de trouver dans le pays un énergique appui, de répondre à un vœu public en s’efforçant de dissiper par ses actes les équivoques