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néanmoins M. Camille Rousset. Pendant le ministère du maréchal Randon, plusieurs officiers d’état-major attachés au dépôt de la guerre avaient été chargés de recueillir et de coordonner, en forme de chronique ou d’annales, les documens relatifs à la conquête de l’Algérie. C’est ce dossier considérable qu’en sa qualité d’archiviste du dépôt, M. Camille Rousset a eu dans les mains, qui lui a permis d’écrire un précis de l’histoire officielle de l’expédition, dans lequel il a mis, avec le style vigoureux qu’on lui connaît, son expérience des études militaires. Il ne faut pas demander à l’éminent académicien le luxe des détails intimes et piquans dans lesquels M. Alfred Nettement se complaît. Il excelle plus à décrire la manœuvre d’une armée et les péripéties d’un combat qu’à dépeindre l’âme des vaillans soldats dont il a voulu raconter à son tour les exploits. Mais, même en sa concision un peu froide, son œuvre reste vivante, et, par plus d’un côté, forme comme le complément de son aînée, car ce qui constitue précisément le principal mérite de ces deux livres, c’est qu’ils se complètent l’un par l’autre, c’est qu’ils permettent de faire revivre la grande épopée algérienne telle qu’elle se déroula, il y a un demi-siècle, à l’origine de la colonie.


I

Dans les premiers jours du mois d’août 1830, au moment où le roi Charles X appelait au pouvoir le prince de Polignac, la question d’Alger, après avoir préoccupé pendant plusieurs années le gouvernement et les chambres, était posée devant l’opinion ; une expédition militaire devenait inévitable. Il ne s’agissait pas seulement d’obtenir réparation d’une injure grave faite au drapeau français ; il fallait encore mettre un terme aux actes de piraterie qui désolaient périodiquement l’Europe, depuis qu’au XVIe siècle, les Turcs étaient devenus les maîtres sur ce point de la côte africaine.

À cette époque, deux aventuriers musulmans, les frères Barberousse s’étaient emparés d’Alger, y avaient établi leur domination sur les Arabes. Après en avoir chassé les Espagnols, ils y fondaient bientôt un empire qu’ils eurent l’habileté de placer sous la suzeraineté de la Porte, et qu’ils léguèrent à leurs héritiers, l’ayant gouverné successivement l’un sous le nom de Baba-Aroudj, l’autre sous le nom de Khaïr-el-Dinn. Rien de plus dramatique que ces débuts des deys d’Alger. Le règne des deux premiers se résume en aventures sanglantes et en meurtres quotidiens. Ils furent les véritables fondateurs de ce nid de corsaires qui allait rester debout