Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 36.djvu/883

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attaquer les retranchemens français sur le plateau de Sidi-Khalef, en avant de Staoueli. Mais, vivement repoussées, elles durent battre en retraite, poursuivies par la division Berthezène et la brigade Damrémont, jusqu’au de la d’un profond ravin où celles-ci purent, au milieu des plus redoutables périls et des plus graves difficultés, prendre une forte position sur les hauteurs boisées qui forment comme un jardin autour d’Alger. C’est dans cette affaire que fut atteint de la blessure dont il devait mourir le lieutenant Amédée de Bourmont, le second des quatre fils que le général en chef avait amenés avec lui. Il tomba frappé en combattant d’une balle en pleine poitrine[1].

Les jours qui suivirent furent signalés par des combats de moindre importance, à la faveur desquels le corps expéditionnaire put s’avancer encore dans la direction d’Alger. Enfin, le 28, l’artillerie de siège et les détachemens du génie étant arrivés, toute l’armée reçut l’ordre de marcher sur les hauteurs qui dominent la ville. Elle l’exécuta le lendemain à la pointe du jour. Le même soir, après une marche des plus pénibles, rendue singulièrement périlleuse par les attaques incessantes d’Arabes et de Turcs embusqués dans les nombreux défilés qu’il fallut traverser, l’avant-garde arrivait en vue du fort de l’Empereur, dernière et suprême défense d’Alger. Les apprêts du siège de cette forteresse commencèrent aussitôt par l’établissement de batteries qui, malgré plusieurs sorties de l’ennemi, purent ouvrir leur feu, le 4 juillet, dès l’aube, tandis que, dans la rade, une division de la flotte, renouvelant, sur la demande du général en chef, une manœuvre opérée deux jours avant, lâchait ses bordées sur la ville. Ce n’était au reste qu’une manifestation destinée à impressionner les esprits de la population assiégée et à faire une diversion du côté de la mer. La véritable partie se jouait entre l’artillerie de terre et la vieille forteresse du Sultan Kalassi[2]. Là l’effet de nos bombes fut

  1. Ce jeune et brillant officier succomba le 7 juillet, à l’hôpital de Sidi-Ferruch. Ce même jour, le général de Bourmont écrivait d’Alger au prince de Polignac : « Des pères de ceux qui ont versé leur sang pour le roi et la patrie seront plus heureux que moi ; le second de mes fils avait reçu une blessure grave dans le combat du 24 juin. Lorsque j’ai eu l’honneur de l’annoncer à votre excellence, j’étais plein de l’espoir de le conserver. Cet espoir a été trompé. Il vient de succomber. L’armée perd un brave soldat ; je pleure un excellent fils. Je prie votre excellence de dire au roi que, quoique frappé par ce malheur de famille, je ne remplirai pas avec moins de vigueur les devoirs sacrés que m’impose sa confiance. » C’est seulement après la révolution de 1830 et quand déjà le général de Bourmont ne commandait plus l’armée d’Afrique, que le corps de son fils fut envoyé en France. Les passions et la calomnie avaient déployé tant d’acharnement contre le malheureux père, que les agens de la douane à Marseille ne respectèrent pas le cercueil du glorieux mort, l’ouvrirent et le fouillèrent, convaincus qu’il renfermait des richesses.
  2. Nom turc du fort de l’Empereur.