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désastreux. En quelques heures, malgré la vaillance des deux mille hommes enfermés dans le fort et commandés par l’un des ministres du dey, les feux ennemis furent successivement éteints. « A travers les embrasures élargies, par-dessus les merlons ruinés, on voyait autour des pièces les servans tomber et se succéder sans relâche. » Mais bientôt les hommes qui leur survivaient commencèrent à s’enfuir ; à dix heures du matin, le château resta silencieux. L’ordre fut alors donné de battre en brèche. Il allait être exécuté, quand tout à coup, une formidable explosion fit écrouler une partie du château, dont elle rejeta les débris sur la ville, tandis qu’une fumée noire montait dans l’air et laissait voir, en se dissipant, la tour principale détruite de fond en comble. Au moment de se retirer, les Turcs avaient mis le feu à une mine préparée à l’avance, avec l’espoir que les ruines enseveliraient les assiégeans victorieux. Une poignée de soldats se précipita parmi ces décombres jonchés de cadavres. Les artilleurs tournèrent les canons qui s’y trouvaient contre la ville, l’un d’eux ôta sa chemise, la hissa au sommet d’un dattier planté dans le fort, improvisant ainsi le drapeau qui apprit à l’armée et à la flotte que le Sultan Kalassi était en notre pouvoir.

Pendant ce temps, dans Alger, la population terrifiée et surprise par cette explosion inattendue qui venait de faire dans ses rangs de nombreuses victimes, se pressait autour de la Casbah, suppliant le dey d’entrer en négociations avec l’ennemi. Il résistait, déclarant qu’il ferait sauter son palais et sa capitale plutôt que de se soumettre. Les batteries de la ville et celle du fort Bab-Azoum tiraient encore sur le château de l’Empereur ; les débris de l’armée turque s’étaient jetés sur les derrières de la nôtre, essayant de couper la ligne de nos communications ; tout révélait que les paroles d’Hussein-Dey n’étaient point une bravade et qu’il ferait ce qu’il avait dit. Cependant, quand il se fut convaincu que sa cause était perdue, il se laissa fléchir par les plaintes désespérées qui se faisaient entendre autour de lui, peut-être aussi par le spectacle de ses troupes, qui de toutes parts l’abandonnaient, fuyant vers la frontière marocaine, et il se résigna à envoyer un parlementaire au général français. Son premier secrétaire Sidi-Mustapha fut choisi pour cette mission. Il se présenta au général de Bourmont avec l’espoir qu’il lui suffirait d’offrir les réparations depuis si longtemps demandées et le paiement des frais de guerre. Le commandant en chef l’arrêta, dès les premiers mots, pour lui déclarer qu’avant toute négociation, le dey devait commencer par rendre la Casbah, la ville et les forts. Le négociateur alla porter ces conditions à son maître ; mais, avant de se retirer, il avoua que l’obstination du dey avait été funeste : « Lorsque les Algériens sont en guerre avec le roi de