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France, dit-il, ils ne doivent pas faire la prière du soir avant d’avoir conclu la paix. »

Après lui, deux riches habitans d’Alger, deux Maures, se présentèrent afin d’obtenir que l’humiliation d’une occupation fût épargnée à la ville. Pour fléchir le général de Bourmont, ils lui offrirent de lui apporter sur un plat la tête d’Hussein-Dey. « Cela ne me ferait pas le moindre plaisir, » répliqua en souriant le général. Il leur promit toutefois de faire cesser le feu, sur l’engagement qu’ils prirent que les négociations allaient s’ouvrir. Le dey, de son côté, essayait encore de se soustraire aux conditions qu’on lui imposait. Il s’adressait au commandant de la flotte, qui refusa d’entrer en pourparlers avec lui, et le renvoya au général en chef. Il recourut même aux bons offices du consul d’Angleterre, qui ne craignit pas de se joindre au parlementaire quand celui-ci vint retrouver le comte de Bourmont. Mais le général écarta vivement tout essai de médiation et remit à Sidi-Mustapha un projet de capitulation dont quelques instans après Hussein-Dey dut écouter la lecture. C’est à ce moment qu’il se sentit définitivement vaincu. Il n’essaya pas d’obtenir des conditions plus douces. Il demanda seulement que l’entrée des troupes françaises fût retardée de quelques heures, Pour prix de cette concession, il dut mettre en liberté sur-le-champ les naufragés du Silène et de l’Aventure, qui furent conduits au quartier-général. A dix heures, la capitulation était signée. Elle garantissait au dey sa liberté et ses richesses personnelles ; la même garantie était donnée à ses soldats et aux habitans d’Alger. L’exercice de la religion mahométane était assuré ; les troupes françaises devaient entrer dans la Casbah le même jour à midi.

Au camp français, on s’apprêtait depuis la veille pour cette entrée, et, à l’heure dite, les portes de la ville s’ouvraient devant l’armée, qui touchait au but de l’expédition après une campagne de vingt jours. Disons-le immédiatement à l’honneur de nos soldats et de leurs chefs, ils furent aussi modérés dans le triomphe qu’ils avaient été vaillans dans le combat. On n’eut pas à punir la moindre agression ni contre les personnes, ni contre les propriétés ; les commissaires français prirent possession du trésor de la Casbah, qui s’élevait, en monnaies et en lingots d’or et d’argent à 48,684,528 fr., sans compter les denrées, les munitions, les armes, les étoffes précieuses, les marchandises, et en rendirent compte fidèlement. Quand plus tard l’esprit de parti essaya d’imprimer une flétrissure à l’armée qui avait conquis Alger et l’accusa d’avoir rais la Casbah au pillage, une enquête ordonnée par le général Clausel, successeur du général de Bourmont, vint démontrer le caractère calomnieux de cette accusation et prouver que tous ceux qui avaient pris part à l’expédition en étaient sortis les mains nettes.