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Il introduit la traduction parlée, faite de vive voix par le professeur ou par les élèves. Il témoigne peu de sympathie pour le thème, qu’il remplace dans les basses classes par la version, et dans les classes plus élevées il ne l’admet qu’à titre d’exercice oral. C’est une des modifications réclamées par la circulaire de 1872. Il n’aime pas les morceaux découpés dans les auteurs anciens ; comme plus tard Bossuet, Lancelot et Arnauld exigent que l’élève lise longuement le même ouvrage, « qu’il nourrisse longtemps son esprit du même style. » A Port-Royal, on n’encourage la composition latine qu’avec réserve et prudence, et l’on s’attache moins aux mots qu’aux idées. Enfin, par une initiative hardie, on supprime à peu près le vers latin. « C’est ordinairement un temps perdu, dit Arnauld, que de donner des vers à composer au logis. De soixante-dix ou quatre-vingts élèves, il y en peut avoir deux ou trois de qui on arrache quelque chose ; le reste se morfond ou se tourmente pour ne rien faire qui vaille. » Ce sont presque les termes de la circulaire de M. Jules Simon.

L’innovation la plus importante peut-être de Port-Royal fut la constitution de l’enseignement des filles. Ici néanmoins le résultat général fut moins heureux, parce que l’esprit monastique et la rigidité janséniste dominèrent. Les religieuses n’admettaient qu’un nombre restreint de petites filles, principalement des pauvres et des orphelines, qu’elles recueillaient dès l’âge de trois ou quatre ans, jusqu’à seize ans au plus tard. On leur apprenait avant tout la religion et la vertu, puis à lire, à écrire, « à travailler en linge et à d’autres ouvrages, et non de ceux qui ne servent qu’à la vanité. » Mais l’amour très sincère et parfois touchant des sœurs pour leurs pupilles est comme paralysé par l’obsession de la perversité essentielle de la nature humaine et par l’idée fixe de la mortification nécessaire. On se défie de tout, de la parole, de la conversation, de la sociabilité, surtout des affections qui n’ont pas Dieu pour objet. Silence absolu imposé aux élèves, surveillance incessante, obligation de ne jouer ou de ne se promener que par groupes, interdiction des soins de toilette, pour qu’on ne s’habitue pas à « orner un corps qui doit servir de pâture aux vers, » proscription de toutes les manifestations extérieures de l’amitié, — tels sont les traits par où se révèle le rigorisme de Port-Royal. Et pourtant, en dépit de l’esprit de secte, la tendresse innée de la femme pour l’enfant reprend ses droits. Quelle sollicitude maternelle dans ces quelques lignes du Règlement : « Il faut exhorter les élèves à se nourrir suffisamment pour ne pas se laisser affaiblir ; c’est pourquoi on prend bien garde si elles ont assez mangé… Aussitôt qu’elles sont couchées, il faut les visiter dans chaque lit particulier, pour voir si