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et qu’elle a de tout temps dû en faire venir du dehors pour des sommes considérables. Les importations de produits ligneux, non compris les bois d’ébénisterie, n’ont fait que s’accroître d’année en année ; en 1850, elles étaient de 50,100,000 francs, en 1860 de 123,600,000 francs, en 1869 de 189,260,000 francs, en 1876 de 202,400,000 francs. Les exportations se sont, il est vrai, accrues dans la même proportion et ont passé de 4,700,000 francs à M, 400,000 ; mais la balance ne se solde pas moins par un déficit de 158,000,000 francs. Dans le chiffre des importations de 1876, mentionné plus haut, les bois de construction et d’industrie entrent pour 197,000,000 fr. ; les bois de chauffage pour 2,300,000 fr. ; les écorces à tan pour 5,000,000 francs. Dans le montant des exportations, les bois de construction et d’industrie figurent pour 28,000,000 francs ; les bois de feu pour 1,500,000 francs et les écorces à tan pour 14,900,000 francs.

Ces chiffres montrent qu’à part les écorces, la production indigène reste bien au-dessous des besoins de la consommation, et que vouloir frapper les bois étrangers d’un droit quelconque à leur entrée en France, ainsi que le demandent les délégués de la Société des agriculteurs, serait causer un énorme préjudice à toutes les industries qui emploient cette matière, sans pour cela procurer aucun avantage aux propriétaires de bois, puisqu’ils sont hors d’état d’approvisionner le marché national. On ne saurait mieux se rendre compte des avantages réciproques résultant des échanges internationaux qu’en se promenant sur les quais d’un port de mer ; et il m’est arrivé l’été dernier d’en voir un exemple frappant. Sur le port de Bordeaux, et pour ainsi dire côte à côte, se trouvaient un bâtiment français qui débarquait des merrains venant des provinces autrichiennes de l’Adriatique et un bâtiment anglais qui chargeait des perches de pins maritimes provenant des forêts des Landes, pour servir d’étais de mines. Cette double opération nous permettait d’une part de nous procurer les merrains dont nous avons besoin, d’autre part d’exporter les perches dont nous n’avons que faire. Si des mesures fiscales ou protectionnistes avaient empêché l’entrée en France des merrains d’Autriche, et l’entrée en Angleterre des perches françaises, non-seulement les propriétaires de forêts, français et autrichiens, en auraient éprouvé un grand préjudice puisqu’ils n’auraient pas vendu leur marchandise, mais aussi les viticulteurs français et les propriétaires de mines anglais, puisqu’ils n’auraient pu se procurer les bois qui leur sont nécessaires.

La plus grande partie des produits ligneux importés sont des bois de construction et d’industrie qui proviennent de forêts aménagées à de longues révolutions. Or il n’y a guère que les forêts