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l’attention du gouvernement ; ce sont l’amélioration des chemins, la réduction des tarifs de transport sur les chemins de fer, et la diminution des charges qui pèsent sur les propriétés rurales. Il est certain qu’il serait très désirable que les compagnies pussent réduire leurs tarifs et étendre par là les débouchés ouverts aux produits agricoles, mais nous ne saurions affirmer que la chose fût possible, et nous laissons à de plus compétens que nous le soin de traiter une question sur laquelle nous n’avons pas d’opinion arrêtée. Nous nous bornerons à dire que, si cette réduction doit être faite aux dépens des contribuables, c’est-à-dire par l’intervention directe ou indirecte de l’état, nous la repoussons absolument, parce que nous considérons comme funeste au pays et entachée de socialisme une mesure qui aboutirait à prendre aux uns pour donner aux autres, et qui d’ailleurs n’atteindrait pas son but, puisque les cultivateurs paieraient sous forme d’impôt le dégrèvement qu’ils demandent pour leurs transports.

On peut être plus affirmatif sur la question des charges publiques, dont l’agriculture supporte la plus grande part. Dans la réponse qu’il a adressée à la Société nationale d’agriculture, M. le comte de Marne fait remarquer que, d’après les documens qui ont servi à établir le budget de 1876, les impôts de toute nature qui pèsent sur l’agriculture se montent à 2,349,752,000 francs sur un revenu total de 5,085,750,000 francs, soit 44 1/2 pour 0/0 ; les charges afférentes à la propriété foncière urbaine sont de 564 millions 833,875 francs pour un revenu de 5 milliards ou 111/4 pour 0/0, les charges de la propriété mobilière ne s’élèvent qu’à 587 millions 363,759 francs pour un revenu de 14 milliards, ou 4 pour 0/0. Il y a là une inégalité choquante, sur laquelle on ne saurait trop insister, et qui exige impérieusement une révision complète de tout notre système d’impôts. Malheureusement les discussions irritantes ne laissent pas à nos législateurs le temps de s’occuper des intérêts vitaux du pays, et ceci nous ramène à ce que nous disions en commençant sur les causes politiques de la crise actuelle. C’est sous cette impression qu’un de nos correspondans pour le département du Finistère, M. Briot de la Mallerie, a formulé le vœu suivant auquel nous nous associons en terminant : « Voilà, dit-il, les réponses que je devais faire aux questions posées par notre docte société. Je souhaite qu’elles puissent être bonnes à quelque chose, mais je souhaite bien plus vivement encore que le ciel nous fasse la faveur de nous envoyer de grands ministres, comprenant les grandes choses et sachant les exécuter avec esprit de suite. »

Tout est là en effet : il faudrait des hommes… et il n’y en a pas.


J. CLAVE.