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temps après la mort de Jeanne d’Arc, deux jeunes filles de Paris répandirent le bruit qu’elles étaient envoyées par Dieu pour continuer l’œuvre de la Pucelle d’Orléans. Mais bientôt on s’empara d’elles, et on les accusa de magie et de sortilège. Les docteurs de théologie qui les examinèrent eurent bientôt là preuve qu’elles avaient été abusées par le démon. L’une de ces malheureuses femmes fut brûlée vive, l’autre, s’étant repentie, et ayant reconnu que son inspirateur était Satan, et non un ange de Dieu, fut épargnée.

A partir de cette époque, jusqu’au milieu du XVIe siècle, il y a peu de sorcellerie en France. En revanche, il y a beaucoup de loups-garous[1]. Il faut joindre aux sorciers les loups-garous, car ils se ressemblent fort. Quelquefois le loup-garou est le diable, quelquefois c’est un véritable loup, ensorcelé par Satan. Mais le plus souvent c’est un sorcier qui se change en bête, et court la campagne sous cette forme pour faire plus de mal aux chrétiens. Les vieux auteurs français parlent avec terreur des loups-garous ou garwalls qui dévorent les enfans.

Hommes plusieurs garwalls devinrent :
Garwall, si est beste sauvage ;
Tant comme il est en belle rage,
Hommes dévore, grand mal fait,
Es grands forêts converse et vait.


Les aliénistes ont donné un nom à cette variété de délire. Ils ont appelé lycanthropes (loups-hommes) les malheureux qui s’imaginent être changés en bêtes. Dans ces siècles d’ignorance et de misère, la lycanthropie était épidémique. Plusieurs s’imaginaient être couverts de poils, avoir pour armes des griffes et des dents redoutables, avoir déchiré dans leur course nocturne des hommes et des animaux, et surtout des enfans. Quelques lycanthropes ont été surpris en pleine campagne marchant sur leurs mains et sur leurs genoux, imitant la voix des loups, tout souillés de boue et de sang, et emportant des débris de cadavres.

Lorsqu’on soupçonnait qu’un loup-garou errait aux environs du village, on préparait une sorte de battue générale, afin de le saisir et de le tuer. Calmeil, dans son livre sur la folie épidémique, livre si riche en documens exacts, nous donne un arrêt du parlement de Dôle relatif à la chasse aux loups-garous (1573).

« Sur l’avertissement fait à la Cour souveraine du parlement à

  1. D’après M. Littré, les mots garou, garwall, gerulphus, viennent du mot germain verewolf (vir vulpes, homme-loup) ; le mot loup-garou signifie donc loup homme-loup.