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Dôle, ès territoire d’Espagne, etc., que se voyoit et rencontroit souvent un loup-garou, comme on dit, lequel avoit déjà pris et ravi quelques petits enfans sans que depuis ils aient été vus ni reconnus, et s’étoit efforcé d’assaillir aux champs aucuns chevauchiers… Icelle Cour, désirant obvier à plus grand inconvénient, a permis et permet aux manants et habitans desdits lieux et autres, de, nonobstant les édits concernant la chasse, eux pouvoir assembler, et avec épieux, hallebardes, piques, arquebuses, bâtons, chasser et poursuivre ledit loup-garou par tous lieux où ils le pourront trouver et prendre, lier et occire, sans pouvoir encourir aucune peine et amende. »

Quelque temps après (1574), le parlement de Dôle faisait brûler ce malheureux fou, nommé Gilles Garnier, qui courait à quatre pattes dans les forêts et dans les champs, et qui mangeait les petits enfans, « même le vendredi, » ajoute naïvement l’arrêt.

Le plus souvent la lycanthropie ne sévissait pas sur un seul individu. Mais plusieurs habitans d’une même contrée étaient sujets en même temps à ce genre de folie. Dans le Jura, là où Boguet fit une si terrible justice, il y avait beaucoup de loups-garous, de sorte que presque tous les sorciers s’imaginaient être changés en loups, courir pendant la nuit à travers champs, déterrant les cadavres, courant sus aux petits enfans, et s’accouplant avec les louves.

Le loup-garou est différent du loup en ce que son pelage n’est pas au dehors, mais entre cuir et chair (Simon Goulard). « Il va aussi vite que le loup, ce qui ne doit être trouvé incroyable, car ce sont les efforts du mauvais démon qui les façonnent à la guise des loups. En marchant, ils laissent sur la terre la trace de loups. Ils ont les yeux affreux et étincelans comme loups, font les ravages et cruautés des loups, étranglent chiens, coupent la gorge avec les dents aux jeunes enfans, prennent goût à la chair humaine comme les loups, ont l’adresse et résolution à la face des hommes d’exécuter tels actes. Et quand ils courent ensemble, ils sont accoutumés de départir de leur chasse les uns aux autres. S’ils sont saouls, ils hurlent pour appeler les autres. »

Laissons ces fables. Les loups-garous étaient de pauvres aliénés, vivant comme des sauvages, dans les bois, dans les champs. N’a-t-on pas, il y a quelques années à peine, trouvé dans un département français un individu vivant à la manière des bêtes au fond des bois, complètement nu, inoffensif en somme ; mais inspirant une certaine terreur superstitieuse aux habitans des villages voisins qui ne le connaissaient que par ouï-dire ou pour l’avoir aperçu de loin ? Au XVIe siècle, alors que l’ignorance était profonde, alors que