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demi-circulaire, dont la montagne de Fos, dans les Bouches-du-Rhône, et celle de Cette, dans le département de l’Hérault, forment les deux extrémités, et qui présente une courbe très régulière, longeant le versant méridional de la chaîne des Alpines, le grand massif des carrières de Beaucaire et la ligne continue de collines au pied desquelles se développe la route plusieurs fois séculaire dont nous avons parlé plus haut. Cette route a été jadis tout à fait littorale et dessinait la falaise même de la mer primitive qui existait sinon à l’origine des temps historiques, du moins aux premiers siècles de notre époque géologique actuelle. Le diluvium a rempli ce golfe et a donné naissance à une immense plaine presque horizontale, mais qui a conservé une légère inclinaison vers la mer. Ce fut la grande Crau, dont le nom rappelle parfaitement l’origine ϰραναὸν πεδίον (kranaon pedion), plaine basse et pierreuse) et qui comprenait autrefois le grand triangle dont Beaucaire, Fos et Cette forment les trois sommets. Sur cette mer de cailloux roulés, le Rhône et la Durance ont continué à rouler pendant de longs siècles, en suivant des lits sinueux dont le nombre et la direction ne sauraient être exactement déterminés à travers tous les âges, et qui ont dû nécessairement varier un très grand nombre de fois en laissant sur leur passage de larges traînées de sables et d’alluvions. Telle est l’origine de la vaste plaine qui comprend non-seulement la région cultivée, située à droite et à gauche du canal de navigation de Beaucaire, mais encore toute la zone littorale, coupée d’étangs, de fondrières et de marais, zone intermédiaire entre la mer et la terre, dubium ne terra sit an pars maris, comme disait déjà Pline, et que l’exhaussement continu du sol rattache de plus en plus au continent.

On conçoit sans peine qu’un territoire aussi récent et aussi plat a dû être bien des fois recouvert soit par les eaux du Rhône et de la Durance, soit par celles de la mer. Bien que la Méditerranée se ressente assez peu des effets de l’attraction de la lune et du soleil, et qu’on puisse la considérer comme une mer inerte et sans marée, son niveau n’est pas absolument constant ; les actions atmosphériques d’ailleurs ont pour résultat de déprimer ou de relever son plan d’eau de plus d’un mètre. Pendant la majeure partie de l’année, sous l’influence des vents de terre, la masse liquide est refoulée au large et découvre sur le rivage une bande d’autant plus étendue que la pente du sol est moins sensible. Lorsque le vent souffle du large au contraire, la mer se gonfle sur la côte, surmonte le faible bourrelet de la plage, et il n’en faut pas davantage pour noyer une plaine à peu près horizontale, dont le relief s’élève à peine de quelques centimètres au-dessus du zéro moyen et qui présente même un très grand nombre de bas-fonds inférieurs à ce niveau et toujours submergés. D’autre part, les inondations du