Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vulgarisant les théories du gouvernement représentatif. La tribune ne fut souvent que l’écho de cette polémique savante.

Le parti ultra-royaliste eut aussi ses théoriciens. Montlosier occupe dans leurs rangs une place à part. Il en était toujours à ses idées de l’assemblée constituante, gardant vis-à-vis des anciens émigrés des antipathies qu’ils lui rendaient bien, ennemi forcené de la démocratie, rêvant pour la noblesse française le rôle et les prérogatives de l’aristocratie d’Angleterre, appelant M. Royer-Collard Bally et M. Guizot Thouret, donnant libre carrière à ses critiques, à ses diatribes, à ses amertumes, dans sept volumes d’une lecture plus que difficile, mais où ne manquent cependant ni la science ni la verve.

Quand on a longtemps joui d’un bienfait, on en oublie facilement l’origine. Depuis que nous sommes en possession du gouvernement représentatif, nous avons été ingrats envers ceux qui, dès les premières sessions législatives, sous la restauration, tracèrent et fixèrent les droits des chambres, arrêtèrent la procédure parlementaire, établirent les règlemens des discussions budgétaires. D’incomparables hommes d’affaires se montrèrent alors. Les esprits de bonne foi, soucieux de connaître les conditions du gouvernement parlementaire, seront toujours attirés vers l’étude de cette époque, si pleine de passions et de vie et qui eut comme les rayons d’une seconde renaissance.


I.

Dans la préface d’un livre aujourd’hui inconnu, les Mystères de la vie humaine, Montlosier fait connaître son mode d’existence à Paris durant le consulat et l’empire. Une autre source d’informations nous a été libéralement concédée et nous a permis de compléter les renseignemens dont nous avions besoin pour éclairer d’un jour plus vif la figure de notre personnage.

Pendant trente années consécutives, Montlosier a échangé une correspondance suivie et intime avec M. Prosper de Barante, son compatriote, d’un tempérament diamétralement opposé au sien. Ils s’étaient connus en 1803. M. de Barante père, après avoir été préfet de l’Aude, venait d’être appelé à la préfecture du Léman. Il avait attaché à son cabinet Prosper, son fils, jeune auditeur au conseil d’état. La mission qu’ils avaient à remplir était délicate. A côté d’eux, sur les rives du lac de Genève, venait d’être exilée Mme de Staël.

Montlosier avait connu M. de Barante père en Auvergne, au moment de la convocation des états-généraux. L’amitié qu’il avait pour lui se reporta tout entière sur son fils. Non-seulement il l’aima,