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pas le droit de couvrir de la souveraine autorité du suffrage universel la politique que combattent les dissidens. C’est en ce moment que se pose la question devant le pays, à propos des lois proposées au parlement. Et c’est pour cela que les dissidens veulent l’éclairer sur le caractère et la portée de ces lois, aussi bien que sur toute cette politique dont il ne savait pas le premier mot quand il a élu ses députés et ses sénateurs.

Ce point éclairci, il est bien entendu tout d’abord que l’opposition républicaine, dans la campagne qu’elle vient de commencer, n’a pas pour but la possession immédiate du pouvoir. Il ne s’agit point de faire les affaires d’un parti, de préparer le retour au pouvoir de tels ou tels hommes, même de ceux qui ont le plus contribué à l’établissement de la république par leur sagesse, leur talent et leur autorité. Le pouvoir est entre les mains d’un parti qui a une majorité incontestable à la chambre des députés. Il faut qu’il y reste, d’abord parce que les principes du gouvernement constitutionnel le veulent ainsi, ensuite parce qu’il est bon que le pays fasse, dans une certaine mesure, l’expérience des idées et des pratiques de ce parti. Rien n’est perdu, tant que le sénat sera là pour arrêter les entreprises où les plus graves intérêts du pays pourraient être compromis. L’opposition républicaine s’adresse au pays encore plus qu’au parlement. Si elle ne désespère pas de rallier dans le parlement une majorité en faveur de sa politique, avant l’époque des élections générales, elle espère surtout faire comprendre et accepter cette politique au suffrage universel, qui est encore sous l’impression des passions des dernières luttes électorales. Elle travaillera de toute façon, par la parole et la plume, à la tribune et dans la presse quotidienne, à éclairer, avertir, prémunir le suffrage universel contre la politique d’équivoque et de confusion. Elle a ses orateurs, les plus écoutés du parlement. Elle a déjà ses journaux, qui ont commencé à répandre son programme. Elle en aura d’autres; elle n’attendra pas l’approche des élections générales pour en couvrir le pays. Elle aura aussi partout des comités. Elle aura enfin ses candidats. Tout cela, candidats, comités et journaux, sera bien à elle, et n’aura d’autre programme que le sien. Il n’y aura pas de parti aussi ouvert et aussi fermé tout à la fois : aussi ouvert aux hommes de toute origine qui accepteront son programme, sans restriction et sans arrière-pensée ; aussi fermé aux doctrines contraires à la politique de liberté, de justice, de paix sociale. Elle parlera le langage de la raison, non de la passion, des principes, non des personnalités. Mais elle parlera sans détours, sinon sans ménagemens. Elle sait qu’il faut élever la voix pour se faire entendre du suffrage universel. Elle dira donc la vérité, toute la vérité, rien que la vérité au parti qui gouverne, sans ces précautions oratoires et ces