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finesses de langage qui empêchent la vérité d’arriver aux oreilles populaires, et qui seraient maintenant inutiles au parlement. Une parole franche, nette, décisive, portant partout la lumière : voilà ce dont le parlement n’a pas moins besoin que le pays. L’opposition républicaine ne laissera passer, sans protester, aucune loi, aucune mesure, aucun acte qui porte atteinte au droit des citoyens ou à l’ordre public. Elle ne se lassera pas de dénoncer au pays la politique d’exclusion, de passion, d’intolérance, en même temps que de faiblesse, qui est à l’ordre du jour.

«Que faites-vous? lui crie-t-on dans le camp républicain. Ne voyez-vous pas que vous tirez sur les troupes de la république et que vous jouez le jeu de ses pires ennemis? Quand vous aurez ainsi discrédité le gouvernement républicain devant le pays, si vous y réussissez, ne sera-ce pas au profit d’une restauration monarchique, peut-être au profit de l’empire dont vous ne désirez certes pas le retour? Si votre sagesse par trop conservatrice n’est point satisfaite de la conduite des affaires, qui vous force de l’approuver? Mais, au nom du ciel, gardez le silence qui convient à des amis, à des alliés, à de vieux compagnons d’armes ! Il suffit à votre conscience, à votre dignité de décliner la responsabilité d’une tâche que de plus hardis et de plus forts viennent d’entreprendre. Etes-vous bien sûrs que les jours d’épreuves et de périls sont passés pour la république que nous avons fondée par nos communs efforts?»

Voilà l’objection qui arrête encore bien des républicains libéraux et conservateurs, aussi peu satisfaits que les dissidens de la politique de notre gouvernement. C’est à eux, non pas à ceux qui le calomnient et l’outragent, que le parti de la république libérale doit de franches et complètes explications. On lui parle de nouveaux jours d’épreuves et de périls pour la république. Il répond que nous y sommes, et que c’est parce que nous y sommes qu’il est urgent de parler haut et clair. Le danger qu’on lui signale serait sérieux s’il ne pouvait compter, dans la campagne qu’il vient de commencer, que sur le concours intéressé des libéraux et des conservateurs monarchiques. L’entreprise du parti républicain libéral n’a rien que de sensé et de pratique, du moment qu’elle n’a pas autre chose en vue que de conquérir à sa politique cette grande majorité qui reste étrangère aux passions et aux intérêts de parti, et dont l’adhésion est le plus solide appui des gouvernemens. Que les partis monarchiques se trouvent avec lui, dans la défense des principes d’ordre et de liberté, le parti républicain libéral ne peut s’en plaindre, tout en regrettant de ne pas voir ses anciens amis à ses côtés. Parce que ces partis auront le patriotisme de ne point vouloir que les choses aillent plus mal pour que leurs affaires s’en trouvent mieux, le parti républicain libéral sera-t-il embarrassé de leur concours?