Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/609

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
603
les grandes flottiles.

exposés à toutes les intempéries de la mer ? Était-ce le trésor de l’Acropole ? Le peuple d’Athènes trouvait un meilleur emploi à son argent. Les frais de dorure faisaient partie des frais d’équipement, on pouvait s’en fier sur ce point à l’amour-propre fastueux des capitaines. « Ah ! tu te distingues ! tu cherches à primer les autres triérarques ; il te plaît de parer ton navire, de répandre l’or à profusion sur ses sculptures extérieures ! A ton aise, mon ami, ne t’en prends qu’à toi si tu es obéré. » Ainsi s’exprimait jadis un envieux. N’avons-nous pas entendu, il y a quelque trente ans, ce langage ? Nous n’avons rien inventé, pas même nos passions et nos jalousies ; nous n’avons pas surtout inventé la galère. C’est là ce que je tenais à établir.

Docteur ! entre nous, je ne crois pas que ce soient des avirons ; je vous en ferai juge dès que je pourrai publier la photographie qui m’a été envoyée d’Athènes. Je viens de m’armer de la loupe : Des avirons, il y en a bien, mais une seule rangée, pas davantage ; le reste n’est qu’un treillis qui recouvre et qui sert à consolider la coque intérieure. Ne perdons pas courage ; il y aura encore de beaux jours pour ceux qui refusent de croire à la superposition des rames[1].

  1. Je ne veux placer sous le boisseau aucune des pièces d’un procès qui me parait marcher vers une prochaine issue. J’ai déjà fait connaître le premier aperçu que m’adressait M. le contre-amiral de Pritzbuer. Voici la nouvelle lettre et les développemens plus complets qui me sont apportés par le dernier courrier du Levant :
    Pirée, 7 février 1880.
    Donc vous n’êtes pas convaincu, ni moi non plus, d’une façon absolue du moins. Cependant je crois que la trière construite comme j’ai eu la hardiesse de l’imaginer, peut marcher, et je suis sûr que celle d’Asnières en est parfaitement incapable. Cela tient surtout à ce que dans la première les avirons ne sont pas très sensiblement inégaux, tandis qu’il en est tout autrement dans la seconde. Ce qui me gêne le plus, c’est l’appellation de quinquérèmes, décirèmes, etc, donnée à des galères plus fortes. Il me faut, en effet, imaginer, pour rester dans le même système, un très grand nombre de gradins et de lisses, et je dois avouer que le buisson d’avirons qui en serait la conséquence m’effraie un peu.
    Quant à mon nom que votre bienveillance voudrait insérer dans les pièces de ce grand procès, je vous le livre bien volontiers ; mais je dois vous dire, en toute humilité, que mon aide de camp Ponty, que vous connaissez de longue date, a tout au moins autant de droits que son chef de passer à la postérité sous votre égide. C’est lui qui a déniché la photographie en question, et je crois ne pouvoir mieux faire que de vous envoyer, ci-jointe, une note que je lui ai demandée. Chose assez curieuse : ce n’est pas moi qui lui ai imposé ma manière de voir, et ce n’est pas lui non plus qui a fixé mes idées. L’inspection de la trirème nous a conduits à des conclusions identiques.De Pritzbuer.
    Opinion de M. Merlaux-Ponty.
    Si j’ai bien compris la description que donne l’amiral Fiocati de la trirème du moyen âge, analogue à la trirème antique, les rameurs étaient disposés par groupes de trois,