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sociétée avec eux, mais se que je désir beaucoup, c’est que vous m’aimiée bien, en me voiant telle que je suis.

Vous ne me dite pas un mot de votre retour.


Lorsque Mme Geoffrin entreprit, pour aller voir Stanislas Poniatowski, ce célèbre voyage en Pologne qui mit le sceau à sa réputation et au cours duquel elle recueillit autant d’hommages qu’une princesse, elle reçut à Varsovie une lettre de Mme Necker qui la toucha par les sentimens d’affectueuse sollicitude dont elle contenait l’expression et à laquelle elle répondit sur-le-champ.


À Warsovie, ce 15 août 1766.

Votre petit billet, ma belle, sentoit le sentiment de façon qu’an le lisant j’en ay étée embaumée.

Mon cœur s’est remplie avec délices, de cette bonne odeur.

Vous êtes un ménage qui m’êtes bien agréables. Il y a peu de tems que je vous conois, et je vous ay déjà mis au rang, de mes plus anciens amis.

J’ay vu vos inquiétudes sur mon voiage, j’en ay étée touchée et j’en serai reconnoissante toute ma vie. La façon dont je l’ay soutenue en venant ici, doit tranquiliser mes amis sur mon retour.

Je vous assure que l’on me trouvera charmante ; le culte continuel que je rend à l’amitié, et celuy que j’en recois me fait trouver ce sentiment bien précieux, et bien nécessaire au soutien de la vie.

Tout ceux qui me l’ont inspirée, me seront bien chers.

Soies donc sur, heureux époux, du plaisir que j’oroi de vous revoir.


À son retour de Pologne, Mme Geoffrin mit beaucoup d’aimables soins à cultiver sa relation avec les Necker. Ces soins amenaient un échange fréquent de courts mais affectueux petits billets. Tantôt Mme Geoffrin écrit à Mme Necker pour lui annoncer qu’elle viendra manger du potage au coin de son lit et insiste pour n’avoir d’autre compagnie que celle du charmant ménage. Tantôt elle demande la permission d’envoyer chez Mme Necker, comme elle fait chez ses amis les plus intimes, une chaise qui lui est commode, et elle ajoute en parlant de M. Necker :


Mon bien aimé ayant les mêmes gouts que moi vouderoit sûrement avoir toujours ma chaise, et me batteroit comme fait sa petite fille pour m’obliger à la Uiy céder. Pour entretenir donc la paix de nos cœurs voila aussi une chaise pour lui ; les deux chaises sont d’une hauteur convenable, et par leur légèreté facile à transporter. Elle sont de la matière la plus simple. Elle ont étée achetée à l’inventaire de Philémon et de Baucis.