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assez instructives, si elles étaient connues, pour que l’opinion publique se prononçât contre le retour de pareilles aventures ; enfin il ignore le déficit véritable, qui ne doit pas être inférieur à 80 millions de francs en moyenne par an, malgré le non-paiement d’une grande partie des intérêts de la dette.

Une administration plus habile augmenterait le rendement brut de la plupart des impôts en diminuant les frais de perception. De plus, il serait bon, en temps de guerre civile ou d’insurrection, de concentrer pour la défense du gouvernement d’autres troupes que les douaniers, ce qui laisse pendant des mois entiers le champ libre à la contrebande. Mais, au lieu de s’en tenir aux moyens rationnels, on préfère, pour parer au déficit chronique, recourir à des expériences désastreuses et même à des manques de foi éclatans, comme envers les dépositaires de la caisse des dépôts. En dehors de là, on ne connaît que trois ressources, non moins déplorables : l’augmentation de la contribution territoriale, le retard dans le paiement des obligations de l’état et l’accroissement clandestin de la dette flottante, suivi de consolidation quand elle a atteint un gros chiffre.

En premier lieu, la contribution territoriale n’est pas en proportion de la richesse agricole. Alors que le produit brut est en France grevé de 7 pour 100, il le serait de près de 9 en Espagne, où la production est trois fois moindre. Tandis qu’en France l’impôt s’est maintenu depuis un siècle environ sans autre variation que quelques dégrèvemens, en Espagne, contre tous les enseignemens de la théorie et de l’expérience, qui conseillent la fixité de cette contribution, elle a subi en un tiers de siècle, depuis 1845 où on l’établit, une augmentation de 121 pour 100. En France, il y avait naguère une foule de landes et autres terres incultes qui, converties aujourd’hui en terres productives, paient toujours la même cote très basse. En Espagne, dès qu’un propriétaire introduit une amélioration, il est sûr que, l’année suivante, sa contribution sera accrue. Le goût du travail, déjà rare, est puni et découragé et le capital employé rendu improductif au grand détriment de la richesse publique.

Un autre défaut plus capital encore, c’est la mauvaise assiette de l’impôt. Des 50 millions d’hectares environ que contient l’Espagne avec les Baléares et les Canaries, 23 millions sont exempts ; la charge retombe sur les vingt-sept autres. Le cadastre parcellaire ne semble pas près de se faire « et ne se fera peut-être jamais. Or, ces injustices contribuent efficacement au maintien du bandolerisme. L’homme qui, s’entendant avec les bandits, terrorise une contrée, déclare 10 hectares quand il en possède 1,000, et