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De même que l’agriculture, l’industrie a traversé une période de crise, et c’est précisément au cours de cette crise qu’il a été procédé aux enquêtes du sénat et de la chambre des députés. Il convient donc tout d’abord de ne point accorder une confiance absolue à des renseignemens qui s’appliquent à une situation anormale, ou, du moins, ce n’est pas sur de telles données qu’il y a lieu de rédiger le tarif. Comme il serait impossible de réviser chaque année la loi des douanes, les taxes doivent être calculées de manière à représenter la moyenne de protection que le législateur a jugé nécessaire ou utile de concéder au profit de l’industrie. Or il est incontestable que l’ensemble des tarifs adoptés par la chambre des députés pour les produits manufacturés dépasse cette moyenne, parce que les propositions du gouvernement, les études de la commission et les décisions de la chambre ont subi l’influence de la crise prolongée quia fourni tant d’argumens et de chiffres à l’appui de la cause protectionniste. Par conséquent, le sénat est assuré que le tarif qui lui est présenté réalise le maximum de protection qui puisse être accordé. Il serait vraiment déraisonnable d’aller au-delà.

On ne saurait pourtant espérer que les protectionnistes feront grâce au sénat de leurs doléances habituelles. Ils répéteront que les traités de 1860 ont compromis la prospérité de l’industrie française, que la concurrence étrangère tend à s’emparer de nos marchés, que les prix de revient, dont ils donneront tous les détails, ne leur permettent pas de soutenir la lutte, par suite de l’excès des charges fiscales, enfin, que le déclin et l’appauvrissement du travail national produiront fatalement la baisse des salaires. Le sénat sera peut-être condamné à entendre les argumens tirés de la balance du commerce, argumens vieillis qui représentent l’excédent des importations comme un fléau et comme un signe de ruine. Ce plaidoyer, monotone redite d’allégations et de craintes chimériques, ne mérite plus d’être écouté. Comment ose-t-on prétendre que la réforme de 1860 a été funeste, alors que, depuis cette date, l’activité industrielle et commerciale a augmenté dans de si grandes proportions la richesse publique ? Pourquoi s’effrayer à ce point de la concurrence étrangère, quand la plupart de nos produits continuent à être recherchés au dehors ? Quel renseignement peut-on tirer de ces prix de revient qui, pour la même industrie, varient chaque année, d’une région à l’autre, d’une usine à l’autre, et qui, séparés des prix de vente, des profits ou des pertes de la spéculation, ne prouvent absolument rien ? Quant au salaire, il est depuis 1860 en hausse continue : la réforme n’a point cessé de lui être favorable. Pour l’opinion publique comme pour le législateur, la question est définitivement jugée. Les sophismes qui avaient cours autrefois sont usés, les accumulations de chiffres ne produisent