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plus laide qu’elle ne l’était dans sa jeunesse, c’est une de ces figures qui ne changent pas, malheureusement pour elles.

À propos de figures, je vous envoie un profil que j’ai fait d’idée en barbouillant. Il est bon de vous dire que c’est Caroline que j’ai prétendu faire. Il n’y a que moi qui la trouve ressemblante, ce qui est malheureux pour le mérite de l’artiste. Telle qu’elle est, je vous l’envoie, espérant que vous, qui êtes beaucoup plus disposée à l’indulgence, vous y mettrez beaucoup du vôtre et parviendrez à retrouver du moins la coupe du visage et l’expression douce et candide de la physionomie, Au reste, vous avez bien le talent de le retoucher. Je vous le livre. J’ai fait aussi mon portrait, mais avec plus de soin et d’attention, parce que j’avais le modèle sous les yeux et que l’observation travaillait et non l’imagination. Il n’en est pas mieux et il a un air si triste et si sentimental que je lui ris au nez de le voir ainsi et n’ose vous l’envoyer. Il me rappelle ces vers :


D’où vient ce noir chagrin qu’on lit sur son visage ?
C’est de se voir si mal gravé.


Hippolyte a dû vous dire, ma chère maman, que j’avais écrit à Mme Defos pour lui demander pardon de la distraction qui m’avait empêchée de la reconnaître et lui témoigner le désir de la voir à Clermont si j’y vais, comme j’en ai le projet le mois prochain.

C’est en parlant du Mont-Dore probablement que vous me dites que je ne suis qu’à quatre lieues d’elle, car d’ici par la route de poste, il y en a près de cinquante. Cette grande distance me fait craindre que Mme Defos n’effectue point son projet de venir nous voir, à moins que quelque autre affaire ou désir de voyager ne lui fasse prendre notre route pour revenir à Paris, route qui est beaucoup moins directe et moins bien servie. S’il vient malgré ces obstacles, j’en serais ravie et je le recevrai de mon mieux. Je n’ose plus vous tourmenter pour faire ce voyage. Il vous ferait pourtant grand bien. Vous n’auriez pas de peurs à redouter pour la nuit, ni tout l’embarras à vivre en pension.

Adieu, ma chère maman, je vous écris à la lueur des éclairs et aux grondemens du tonnerre, ce qui n’empêche pas Maurice et Casimir de ronfler aussi fort que lui. Je vais faire comme eux, et si à nous trois nous ne couvrons pas le bruit d’orage, il faudra qu’il fasse grand train de son côté. Écrivez-moi un peu plus souvent, portez-vous bien et soignez-vous. Je vous embrasse bien tendrement.