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Moniteur, qui fait connaître ta mission : on ne l’aime pas, toute de confiance qu’elle puisse être. Bien certainement tu n’aurais pas autant de jaloux si tu n’avais eu que de telles occasions de servir ton prince et ton pays. Ne pouvant te posséder dans les circonstances présentes et ne pouvant pas davantage être sans tourmens à ton sujet, je te souhaiterais, mon Louis, à la tête de nos nouvelles légions dont tu tirerais le meilleur parti possible : on les dit animées d’un bon esprit, et elles ne pourraient manquer de confiance guidées par toi. L’empereur en a décidé autrement : s’il ne te tient pas compte de cette tâche pénible et que tu rempliras sans doute à sa plus grande satisfaction, ta conscience du moins te paiera le prix d’un dévoûment sans bornes et qui t’a fait bien des ennemis. On peut convenir que ton moindre soin a été d’éviter de t’en faire. Tu as presque toujours été aussi sévère et aussi exigeant pour ceux que tu devais faire servir que pour toi-même, et bien peu accueillant dans tes relations avec tous les autres qui, ne pouvant s’oublier entièrement, diffèrent en cela de toi, qui ne connais aucune composition avec le devoir que tu exerces jusqu’à en être accablé. Ne trouvant pas ou trouvant peu d’imitateurs, on commente ta manière d’être : modère, je t’en conjure, ton ressentiment de ce que la majorité des hommes ne pense pas comme toi, et contente-toi, mon bien cher ami, d’en tirer le meilleur parti en ménageant leur faiblesse. Tu en as froissé plus d’un par l’excès de ton zèle pour le service de ton prince et le bien de ton pays. On ne te pardonne pas d’être informé de beaucoup de choses qu’on considère comme n’étant pas dans les attributions de ton emploi. J’ai su par le général de Beaumont qui l’a connu à Francfort, que M. de Saint-Marsan a trouvé que tu voulais et croyais savoir mieux que lui les dispositions du gouvernement auprès duquel il était accrédité, et que tu as eu souvent des motifs d’alarme lorsqu’il était sûr des dispositions pacifiques de la Prusse. J’ai également connu par la même voie beaucoup de conversations du duc d’Otrante que je ne pourrais rapporter fidèlement, mais qui m’ont prouvé que tu as en lui un ennemi, et un ennemi bien puissant. Il disait dernièrement que tu devrais te borner à faire ton métier, au lieu de te livrer à la manie de tout savoir et de faire des rapports sur les dires les moins croyables et d’en fatiguer l’empereur. Notre ministre actuel de la police n’est pas plus ton ami : tu sais à quoi t’en tenir sur de plus grands personnages, tant il y a que tu obtiens peu de suffrages ; on s’aime en général beaucoup trop pour t’imiter, et l’on te blâme de ta manière d’être si différente de celle des autres qui se bornent à remplir sans beaucoup de peine les devoirs de leurs places…


La maréchale aurait encore bien moins aimé cette mission si elle avait connu la nature des ordres transmis à son mari. Ils sont vraiment terribles, ces ordres, et en nous les donnant, Mme de