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récemment, pendant qu’il était sous le commandement du prince Eugène, lorsqu’il lui avait fallu faire sauter le célèbre pont de Dresde, le cœur lui avait saigné en pensant à la peine qu’il allait faire à un vieux souverain qu’il aimait particulièrement, et en 1815, lorsqu’il devint ministre de la guerre, nous le voyons écrire à Vandamme pour qu’il eût soin de ne faire dans le parc de Chimay que les dégâts indispensables. Or, non-seulement on lui enjoignait de faire un mal qu’il jugeait inutile, mais on lui enjoignait d’être inhumain et perfide. Nous n’avons pas les lettres qu’il adressa à cette occasion à l’empereur, mais il faut qu’elles aient trahi bien des inquiétudes ou qu’elles aient manifesté des scrupules de plus d’une nature, ou qu’elles aient opposé à plus d’une des mesures exigées des refus motivés, car, un mois après cette dépêche, nous voyons Napoléon s’adresser directement à Davout pour préciser le sens de ses instructions. Quoique la sévérité de ses ordres soit d’abord maintenue, on comprend qu’il a consenti à laisser à son lieutenant carte blanche sur plus d’un point, et en somme, au lieu de dire : Frappez, comme dans la dépêche précédente, il finit par dire : Faites-les surtout payer. Évidemment quelques-unes des remontrances de Davout ont été entendues.


Brunslau, 7 juin 1813.

Mon cousin, je n’ai pas besoin de vous dire que vous devez désarmer les habitans, vous emparer de tous les fusils, sabres, canons et de toute la poudre, faire des visites domiciliaires, si cela est nécessaire, et utiliser le tout pour la défense de la ville. Je n’ai pas besoin de vous dire non plus que vous devez presser tous les matelots, au nombre de trois à quatre mille et les envoyer en France ; que vous devez presser également tous les mauvais sujets et les envoyer aussi en France pour être incorporés dans les 127e, 128e, 129e régimens. Débarrassez ainsi la ville de cinq à six mille hommes, et faites peser le bras de la justice sur la canaille, qui paraît s’être on ne peut plus mal comportée. Pour les autres dispositions, je m’en rapporte à la lettre chiffrée du major-général, en date du 7 mai.


Dresde, 17 juin.

Mon cousin, je suis surpris que vous n’ayez encore ramassé que quatre mille fusils. Faites faire des exécutions militaires, et pour l’exemple, que le premier qui sera convaincu d’avoir soustrait son fusil soit puni de mort. Sur les quatre mille fusils que vous avez, faites-en partir deux mille pour Dresde. Nous en avons grand besoin… Je suppose que vous avez fait la liste des cinq cents individus qu’il faut déposséder, que vous avez fait mettre le séquestre sur leurs biens et que le domaine en a pris possession.