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est auprès de la cheminée dudit appartement que l’autre est encore dans la salle à manger. Si cet état fâcheux continue, je vous prie de m’acheter une de ces brouettes dans lesquelles on voiture les culs-de-jatte dans les rues de Paris ; nous y attellerons Braver et nous parcourrons ainsi les villes et les campagnes pour attirer la pitié des âmes sensibles. Sandeau fera des cabrioles, Fleury des tours de force, et Charles avalera des épées comme les jongleurs indiens ou des souris comme Jacques de Falaise ; on lui laissera le choix.

Et, à propos de Brave, je viens de lui rendre visite dans sa niche, et après les politesses d’usage, je lui ai lu le paragraphe de votre lettre qui le concerne. Il en a été fort mécontent, et me suivant dans mon cabinet où il est présentement étendu devant le feu, il m’a prié d’écrire sous sa dictée une réponse aux accusations dont vous le chargez. Je souscris à sa demande et vous quitte pour servir d’interprète à ce bon animal.

Adieu donc, mes chers camarades, écrivez-moi souvent, quelque bêtes que vous puissiez être, je vous promets de n’être jamais en reste avec vous. Je vous tiens quittes des complimens, à moins qu’ils ne soient tournés comme celui de Jules. Pauvre Fleury ! accouchez donc vite de ce fatal choléra-morbus, prenez du tabac à fortes doses, il partira dans les éternuemens. Et vous, jeune Charlot, au milieu des tumultueux plaisirs de cette ville de bruit et de prestiges, n’oubliez pas la plus ancienne de vos amies. Une poignée de main à tous les trois, quoique Rochou Daubert n’aime pas cela dans une femme.

AURORE D.


A M. Charles Duvernet, à Paris.


Nohant, décembre 1330.

Réclamation adressée par Brave, chien des Pyrénées, originaire d’Espagne, garde de nuit de profession, décoré du collier à pointes, du grand cordon de la chaîne de fer et de plusieurs autres ordres honorables, à messieurs Fleury dit le Germanique et Jules Sandeau le Marchois pour offense à la personne dudit Brave et diffamation gratuite auprès de sa protectrice dame Aurore, châtelaine de Nohant et de beaucoup de châteaux en Espagne dont la description serait trop longue à mentionner.

Messieurs,

Je ne viens point ici faire une vaine montre de mes forces physiques et de mes vertus domestiques. Ce n’est point un mouvement