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ans, un fonctionnaire révocable a été chargé de recueillir des renseignemens politiques sur les habitans de son canton, les habitudes de respect sont perdues. Il faut de longs et persévérans efforts pour faire sortir les juges de paix de l’arène où ils sont descendus ; malheureusement, les coutumes mauvaises sont difficiles à détruire. En février 1870, le ministre de la justice faisait une tentative honorable trois mois plus tard, dans la mêlée du plébiscite, les procureurs-généraux trouvaient commode de se servir des juges de paix. M. Dufaure adressa les circulaires les plus fermes, et il en maintint avec rigueur l’exécution ; le succès commençait à couronner ses efforts, quand un changement de cabinet a précipité de nouveau les juges de paix dans les périls de la politique. Sous prétexte d’exclure les juges appartenant aux partis hostiles, le garde des sceaux est sommé de remplacer tous, ceux qui n’ont pas prêté foi et hommage à l’influence qui domine dans l’arrondissement. Le juge de paix qui ne veut pas obéir aux injonctions des meneurs du comité électoral est dénoncé au député, qui met en demeure le ministre d’en débarrasser sa circonscription. Aux époques troublées, la plus implacable haine est celle que les hommes de parti portent à l’homme qui ne veut être l’esclave d’aucun parti.

Plus l’indépendance dm juge de paix, est compromise, et plus sont urgentes les réformes dont nous réclamons l’accomplissement : nomination sur la présentation du tribunal et des personnes les plus compétentes de l’arrondissement, traitemens accrus, institution des assesseurs en certaines matières, certitude de n’être plus déplacés ou destitués suivant les caprices ou les délations politiques, participation aux travaux du tribunal comme une récompense de leur dévoûment à l’œuvre de la justice, tels sont les progrès qui feraient de nos magistrats cantonaux, sans bouleverser nos lois ni nos mœurs, le fondement le plus solide de tout l’édifice judiciaire.


II

L’établissement d’un tribunal au centre de L’arrondissement n’était pas seulement un acte de sagesse politique, c’était une proportion heureusement trouvée et en complète harmonie avec les besoins des populations. Aussi la réaction contre ce qu’avaient fait la révolution et l’empire n’essaya-t-elle pas sérieusement de renverser les bases posées sous le consulat. Des critiques dirigées en 1815 contre la multiplicité des tribunaux il ne resta rien ; c’était un prétexte habilement choisi pour obtenir le remaniement du personnel et la restauration s’écoula sans que la question fût de nouveau agitée.

Ceux qui résistent par habitude d’esprit à toute réforme seraient