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serait pourtant fort utile à ceux de ces étrangers qui ont à découvrir l’adresse de personnes du pays. Un grand nombre de rues n’ont pas de noms ; un plus grand nombre de maisons n’ont pas de numéros. Le plan de la ville est très régulier, très simple, en sorte qu’on s’y retrouve tout de suite ; mais quand il s’agit d’y découvrir quelqu’un, la difficulté commence. — M. un tel demeure dans la maison d’un tel. — C’est le seul renseignement que vous puissiez obtenir. Avec de l’habitude, on s’y fait, mais lorsqu’on passe peu de temps à Athènes, l’habitude ne vient pas, et l’on est fort embarrassé. La poste n’éprouve pas les mêmes difficultés, par l’excellente raison qu’elle n’a pas de facteurs. Lorsqu’on veut recevoir sa correspondance chez soi, il faut s’entendre avec un facteur volontaire, qui vous l’apporte moyennant une rétribution de dix centimes par lettre.

L’aspect d’Athènes, il faut l’avouer, est assez vulgaire. C’est celui d’une ville toute moderne, construite dans les styles italien et néo-grec, avec des rues poudreuses bordées parfois d’arbres rabougris, des murs blancs qui brûlent les yeux au soleil, des squares médiocres où des musiques de régiment font entendre les plus diaboliques concerts. Jadis, le jardin de la reine était une promenade charmante, rempli de plantes rares et de verdure ; mais cette fantaisie de la reine Amélie n’est pas du goût de la reine Olga, que sa famille intéresse plus que les fleurs ; aussi, bien des plantes ont-elles disparu, bien des massifs ont-ils été détruits, bien des arbres sont-ils tombés sous le vent sans qu’on ait songé à les remplacer. Les vieux quartiers de la ville sont tombés également ou se sont transformés. Même sous l’Acropole, là où les voyageurs signalaient naguère des constructions orientales qui rappelaient la domination ottomane, le niveau moderne a passé ; c’est à peine si le marché, avec ses baraques en planches adossées à des murs antiques, ses boutiques remplies de légumes verts, de fruits dorés, de grappes de raisins blonds et rouges, de pyramides de pommes et de mandarines, a conservé je ne sais quel reflet des bazars turcs et arabes. Tout le reste est bien grec, ou plutôt européen, c’est-à-dire laid, commun, sans physionomie. Je ne ferai exception que pour trois monumens dont le bon goût fait honneur au talent des architectes qui les ont construits. Le premier, le plus remarquable de tous, l’université, a été bâti par un Danois, M. Hansen, qui a essayé d’y faire revivre l’architecture polychrome des anciens et qui y a réussi, La façade, élégante et simple, convient singulièrement à la destination de l’édifice ; elle est austère sans être froide. Le second monument s’élève à côté de l’université. Il est dû à la générosité du baron Sina, qui a doté Athènes de tant d’institutions utiles et brillantes. Il servira d’académie. C’est un gracieux édifice de marbre, imité des temples anciens, avec propylées, péristyles, frises