Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/587

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même solution du problème qui tourmentait dès lors et qui tourmentera toujours l’âme humaine. Pendant ces siècles d’enfance, c’est partout le même fond d’idées. La différence, toute en faveur de l’Égypte, c’est que celle-ci, par l’effet de circonstances exceptionnelles, avait atteint déjà, dans le cours même de cette période, un degré de civilisation où les autres peuples ne sont arrivés qu’à un moment postérieur de leur développement religieux. Grâce à cet avantage, elle a pu suivre ces idées jusqu’à des conséquences où ne devaient pas les pousser des tribus encore presque barbares, et elle n’a point eu de peine à les expliquer avec plus de force et de clarté. Il nous reste à montrer comment l’Égypte a su tirer parti de cette supériorité pour mieux honorer ses morts, pour leur faire, dans la tombe, une vie meilleure, plus heureuse, mieux assurée contre toutes les chances contraires qui peuvent en compromettre le bonheur et la durée. À vrai dire, ç’a été là, comme l’avaient deviné les voyageurs grecs, sa préoccupation dominante. Son architecture funéraire a été la plus originale de ses créations et celle qui caractérise le mieux son génie, surtout lorsqu’on l’étudié telle que nous la présentent les nécropoles de l’ancien empire. Plus tard, dans le nouvel empire, à Thèbes et ailleurs, elle n’est plus aussi homogène ni aussi complète ; tout l’arrangement et toute la décoration n’y relèvent plus d’une conception unique : on y sent la trace d’hypothèses et de croyances nouvelles. Celles-ci, sans se substituer à la croyance primitive, s’y sont ajoutées avec le temps ; elles témoignent du travail inquiet auquel se livre la pensée pour creuser le problème de la destinée humaine. Ces contradictions apparentes et ces hésitations ont leur intérêt pour l’histoire de la pensée religieuse ; mais, au point de vue de l’art, c’est de beaucoup la tombe memphitique qui est la plus curieuse et la plus importante à décrire. Elle a ce mérite d’être tout entière d’une seule venue et comme d’un seul jet ; tout y est d’une logique, d’une clarté, on pourrait presque dire d’une transparence parfaite ; aussi reste-t-elle le type duquel dérivent toutes les tombes postérieures, celles de Beni-Hassan, d’Abydos et de Thèbes ; on en modifie certains détails, mais les dispositions essentielles persistent jusqu’à la fin. Ce seront donc les nécropoles de Sakkarah et de Gizeh qui nous fourniront les principaux élémens de la théorie que nous paraissent supposer la sépulture égyptienne et les représentations qui la décorent.


II

Le premier, le plus naturel soutien de cette vie obscure et indéfinissable qui recommence dans la tombe une fois qu’elle a reçu