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Nous venons de montrer la nécessité de réglementer le pâturage pour empêcher les montagnes de se dégrader davantage ; il nous reste à examiner à quelles conditions elles peuvent être restaurées. Les auteurs de la loi de 1860 avaient divisé les travaux de reboisement en facultatifs et en obligatoires, et comptaient, pour en exécuter la plus grande partie, sur l’initiative des communes et des particuliers. Ils pensaient que des primes et des subventions seraient un stimulant suffisant pour décider les propriétaires à replanter les terrains qu’ils avaient laissés se dénuder, et, s’ils admirent le principe de l’expropriation et l’exécution par l’état, ce ne fut qu’à titre d’exception : c’était là une erreur capitale.

Les propriétaires n’ont intérêt à reboiser que les terrains qui. situés à proximité des débouchés, leur donneront, une fois transformés en forêts, des revenus assurés, et non ceux qui, éloignés des centres et d’une exploitation difficile, ne pourront jamais les indemniser des sacrifices qu’ils auront coûtés. Or ce sont précisément ces derniers qu’au point de vue de l’extinction des torrens il serait le plus nécessaire de replanter. C’est effectivement dans les départemens où le reboisement présente au plus haut degré le caractère d’urgence, c’est-à-dire dans les Hautes-Alpes, les Basses-Alpes, la Drôme et l’Isère, que les reboisemens facultatifs ont été le moins considérables. Ils n’y ont porté que sur 3,200 hectares, tandis que, dans les départemens des Bouches-du-Rhône et de la Vaucluse, ils s’étendent déjà sur 26,000 hectares environ et se poursuivent dans les meilleures conditions. La raison de cette différence est que, dans le premier cas, les travaux sont onéreux et ne tentent pas les propriétaires, malgré les primes offertes, tandis que, dans le second, ils sont productifs, la plantation des chênes truffiers étant devenue une spéculation très lucrative.

On ne saurait donc compter ni sur les communes, ni sur les particuliers pour la régénération des Alpes. Qu’il s’agisse de reboisemens facultatifs ou de reboisemens obligatoires, les propriétaires ne consentiront jamais, à moins d’y être contraints, à subir la perte de revenu qu’entraîne une pareille opération. Cette contrainte leur est, il est vrai, imposée par la loi puisqu’ils sont tenus, dans l’intérieur des périmètres décrétés, de laisser l’état reboiser leurs