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soumettre, se moquait de Tuspan et disait qu’il allait se faire payer sa soumission de tous les avantages retirés à Tuspan. Une autre cause de fermentation et de mécontentement agitait Tuspan aussi bien que Tampico. C’était le traité que le gouvernement de Mexico venait de conclure avec le guérillero Ugalde. Cette pièce étonnante, signée Péza, était conçue dans des termes tels qu’il semblait impossible d’admettre qu’elle n’eût pas été faite à l’insu de l’empereur. Elle reconnaissait en effet Ugalde comme commandant supérieur et commissaire-impérial de la Huesteca et accordait deux mois d’arriéré de solde à ses troupes en proclamant le patriotisme de ce chef, qui renonçait pour son compte à la solde de ces deux mois. Il est vrai que le traité lui accordait un crédit illimité sur la douane de Tampico, où M. Rendu, inspecteur français des douanes, avait l’ordre de payer toutes les sommes qu’exigerait Ugalde. Celui-ci n’avait encore rien réclamé, mais il n’avait eu jusque-là que deux mille hommes de troupes et s’empressait d’en recruter quatre mille. Arrivé à ce chiffre, il demanderait l’arriéré de solde de tous ces soldats anciens et nouveaux. Cette manœuvre toute mexicaine expliquait son patriotisme. Ce traité honteux et indigne détachait les habitans de la cause de l’empereur et faisait monter le rouge au front de ceux qui le lisaient.

Où allait-on ainsi ? On peut avancer que ces mesures diverses, toutes systématiquement contraires à la consolidation de l’empire, étaient ignorées de Maximilien. La vérité s’est faite depuis sur ce prince, mais à cette époque déjà, il était loin de se montrer à la hauteur de la tâche qui lui incombait. Mais dans quel intérêt, en vue de quelles espérances agissait-on ainsi ? Pourquoi ces renaissans compromis avec les dissidens quand ils eussent pu être écrasés ? Pourquoi ce parti-pris de porter les choses au pire ? Nous en avons dit quelques mots et, tout confirme le soupçon qu’un parti politique, suivant une voie détournée d’intrigues, comptait tirer de l’exagération même du mal le remède qui convenait le mieux à ses ambitieuses visées. Pour le parti, il fallait que Maximilien tombât et que sa place, laissée vide, échût, de par le droit d’une feinte élection nationale ou par l’intervention d’un protectorat puissant, à un nouvel occupant qui fût l’âme, l’obligé ou le soutien de la camarilla. S’il n’est pas permis de lire au fond des consciences, on peut dire que le maréchal se montrait favorable à ces combinaisons secrètes ou indulgent pour elles, car ce fut lui qui négocia le traité Ugalde, et le ministre Péza ne fit que le signer.

L’erreur fut de ne point vouloir sérieusement, sincèrement l’empire de Maximilien. Elle fut aussi de vouloir s’appuyer, pour une évolution politique d’un succès douteux, sur le parti vraiment libéral du Mexique, sur celui qui sentait sa force, à qui profitaient