Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/820

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’envoi d’une commission ! semblable afin qu’elle servit de contrepoids et de contrôle à la commission de La chambre. Les deux enquêtes furent donc conduites simultanément et dans un esprit opposé ; néanmoins elles révélèrent assez de fraudes pour couvrir de confusion les honnêtes gens du parti républicain et pour faire reconnaître par les esprits les plus prévenus que les résultats électoraux, dans les trois états contestés, étaient entachés de suspicion, légitime. Les républicains avaient d’autant plus sujet d’être inquiets que, parmi les électeurs qui avaient dû voter pour M. Hayes, on en signalait deux, l’un dans la Floride, l’autre dans l’Orégon, comme étant encore investis d’emplois fédéraux au moment de leur désignation et comme ayant été inéligibles aux termes de la constitution. Il suffisait qu’une de ces deux voix fût retranchée à M. Hayes pour que celui-ci n’eût plus la majorité absolue : dans ce cas, il y avait ballottage, et c’était à la chambre des représentans. qu’il appartenait de choisir le président. Il n’était pas douteux que le choix de la chambre ne se portât sur M. Tilden.

A mesure qu’on se rapprochait du second mardi de février, date fixée par la constitution pour que le sénat procédât au recensement officiel des votes du collège électoral présidentiel, l’agitation prenait des proportions plus redoutables. Les intransigeans du parti républicain, à la tête desquels étaient MM. Blaine, Cameron et Conkling, n’hésitaient pas à soutenir qu’il ne fallait tenir aucun compte des révélations des enquêtes ni des réclamations du Sud, que les fraudes et les actes de violence avaient été à l’usage des deux partis et se compensaient ; le sénat devait s’en tenir aux faits publics et acquis et proclamer M. Hayes comme le futur président ; le général Grant et l’armée étaient là pour avoir raison de toutes les protestations. À ce langage comminatoire les démocrates répondaient par d’égales menaces. Ils avaient pour, eux le bon droit, ils ne se laisseraient pas enlever par la fraude ou la violence le fruit de leur victoire. Au cas où le sénat proclamerait M. Hayes l’élu du pays, la chambre des représentans opposerait à cette déclaration mensongère une protestation solennelle en faveur de M. Tilden ; elle rejetterait le budget, elle refuserait tout subside au gouvernement, et le 4 mars, M. Tilden serait reconnu président dans tous les états où il avait obtenu la majorité. Si, des deux côtés, on ne voulait écouter que les conseils de la passion, le gouvernement fédéral allait être désorganisé ; la confédération était exposée à se couper en deux, comme après l’élection de Lincoln, et la guerre civile était la seule issue qu’on pût entrevoir.

Comment prévenir un conflit aussi funeste à l’honneur, au repos, à tous les intérêts du pays ? Où trouver une autorité dont la