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il y aura toujours des coins, des culs-de-sac, des cloches, que l’air ne visitera qu’imparfaitement, il y aura toujours des soufflards, toujours une imminence de danger et une nécessité de surveillance. Avant tout il faudrait savoir reconnaître l’ennemi, le grisou ; mais, sauf la lampe de sûreté dont nous parlerons bientôt, les moyens pratiques manquent. A la vérité, M. Thénard a proposé un système d’analyses rapides ; divers inventeurs ont imaginé des avertisseurs fondés sur des principes très divers ; aucun appareil, jusqu’à présent, n’a reçu la sanction d’une pratique incontestée. On en est réduit à des services d’inspection ; toute mine a ses chercheurs de gaz, assujettis à des tournées régulières avant l’entrée des ouvriers, chargés de signaler et de fermer les endroits dangereux ; la loi anglaise les exige. A Bessèges, on profite de l’interruption du dimanche pour tâter le pouls à la mine ; puis, on consulte le thermomètre et le baromètre, la hausse du premier, et la baisse du second paraissant exagérer le danger.

Cette surveillance toujours présente, toujours exercée contre un ennemi toujours possible, toujours à redouter, était bien incomplète au commencement de ce siècle, et comme, d’autre part, la ventilation était très insuffisante, l’industrie minière était désespérément meurtrière ; on ne savait combattre le grisou que par des moyens barbares ; souvent on sacrifiait un homme. Couvert de vêtemens de cuir, enveloppé de capuchons mouillés, il parcourait la mine en rampant, et comme le grisou par sa légèreté se réfugie et s’étale sous le toit, il l’y enflammait avec une mèche au bout d’une longue perche ; il allumait ainsi le plus souvent de longues flammes silencieuses qui couraient sous le plafond, quelquefois des explosions dont il était la victime dévouée. On le nommait le pénitent, soit à cause de son capuchon, soit à cause de son dangereux métier ; on l’a remplacé ensuite par des lampes dites éternelles qu’on fixait au sommet des galeries, surtout dans les cloches et qu’on n’éteignait jamais. C’était un procédé moins cruel, non pas plus efficace. Les choses en étaient là, quand en 1815, un illustre chimiste anglais, Humphry Davy, réussit à éclairer sans danger les mines chargées de grisou au moyen de la célèbre lampe qui porte son nom ; tout le monde la connaît, mais il est curieux de dire par quelle série des déductions il parvint à la découvrir.

Si on fait circuler dans un tube métallique un mélange explosif et qu’on l’allume à l’extrémité, la flamme qui s’y développe ne revient pas sur ses pas à travers le tube et n’enflamme point le gaz du réservoir, cela se comprend : un mélange explosif détone parce que la flamme qui est produite en un point échauffe par sa combustion les parties voisines et les allume à leur tour ; ces parties jouent le même rôle autour d’elles et transmettent