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SAUVAGEONNE

DERNIÈRE PARTIE[1].


X.

Un mois s’était passé depuis l’aventure du Creux d’Aujon, Dans la pièce qui servait de fumoir et de cabinet de travail, Denise et Francis s’entretenaient à voix basse après le dîner. L’ombre des soirées d’août, déjà plus courtes, emplissait la chambre d’une obscurité qui ne permettait plus de distinguer les traits des deux interlocuteurs. On ne voyait que les formes confuses de leurs silhouettes. Celle de Denise, qui arpentait le fumoir dans sa longueur, tantôt s’enfonçait dans le noir et tantôt se dessinait sur le clair de la fenêtre. La jeune fille marchait les bras croisés, la tête penchée, et le bruit sourd de son pas résonnait seul dans le silence de la maison endormie.

— Oui, c’est demain à trois heures qu’elle revient, murmura Francis en jetant son cigare et en se renfonçant dans un coin du divan.

— Demain ! répéta Denise comme un écho douloureux, déjà demain !… Francis, que faire ? que devenir ?

— Nous resterons ici… Pierre ira seul à Langres avec la voiture : il dira que nous sommes en pleine moisson et que nous n’avons pu quitter Rouelles.

  1. Voyez la Revue du 15 mai et du 1er et du 15 juin.