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sans avoir beaucoup à craindre ou plutôt beaucoup à espérer des révélations qui pourraient être dues à des découvertes ultérieures : c’est la restitution de l’architecture civile de l’ancienne Égypte. L’architecture funéraire et l’architecture religieuse sont représentées, dans la vallée du Nil, par des monumens nombreux et remarquablement conservés ; on ouvre tous les jours de nouvelles tombes, et il y a encore beaucoup à faire pour que nous connaissions ce qui reste des temples égyptiens aussi bien que l’on connaît les ruines de l’Acropole d’Athènes ou celles du forum romain ; mais du palais, de la maison, le temps n’a épargné que de bien faibles débris, et ce que les historiens nous apprennent au sujet de ces édifices se réduit à bien peu de chose. Ce qui nous aide le mieux à combler jusqu’à un certain point cette lacune, ce sont les peintures et les bas-reliefs des tombeaux. On y voit souvent figurés, soit en élévation, soit en plan, des magasins et des greniers, des maisons et des villas de l’époque pharaonique.

Quelques représentations de plus, trouvées dans de nouvelles tombes, n’augmenteraient pas beaucoup, ce semble, les ressources dont nous disposons pour tenter cette restauration. Les conclusions auxquelles nous arriverons nous seront d’ailleurs suggérées souvent moins par la vue de ces images parfois confuses et toujours très réduites et très abrégées que par l’étude des conditions persistantes du climat et par celle de rapports et d’analogies dont l’historien doit tenir grand compte en pareille matière.


I

La tombe et le temple donnent une grande idée du goût et de la richesse des monarques égyptiens, ainsi que de la variété et de la puissance des moyens mécaniques dont ils disposaient ; on est donc porté tout d’abord à penser que les palais, par leurs dimensions et par le luxe de leur décoration, devaient être en rapport avec la magnificence des sépultures que ces souverains se préparaient et avec celles des édifices qu’ils érigeaient en l’honneur des dieux desquels ils croyaient tenir leur prospérité et leur gloire. C’est au sein de splendides et pompeuses demeures, faites des plus belles matières dont disposât l’Égypte, que l’imagination se représente les princes qui ont construit les pyramides et creusé les syringes thébaines, qui ont bâti Louqsor et Karnak.

Sous cette impression, les premiers voyageurs qui ont visité la vallée du Nil et décrit ses monumens ont été portés à voir partout des palais, à prétendre en reconnaître les débris dans toutes les