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Temple, recrute souvent ses fonctionnaires dans une classe importante d’officiers tirés de l’état-major. La plupart des postes diplomatiques et politiques sont occupés par eux, ainsi que beaucoup d’emplois civils dans certaines provinces telles que le Pendjab, Oudh, le Birmah britannique, l’Assam, les provinces centrales, le Sind et Berar. Ils se sont toujours montrés pleins de zèle, de capacité et d’expédiens. Ceux qui ont pris leur retraite n’ont pas à craindre qu’on les oublie ; d’autres sont encore au service actif et leurs talens honorent leur profession. Cette classe d’officiers a fourni à l’histoire anglo-indoue quelques-uns des meilleurs et des plus grands noms qu’elle ait inscrits dans ses registres. Munro fut gouverneur de Madras, Malcolm gouverneur de Bombay, Henry Durand lieutenant-gouverneur du Pendjab. » — Périssent les colonies plutôt qu’un principe ! a dit un fou. Les Anglais diraient plutôt : Périssent tous les partis-pris plutôt qu’une colonie ! On demandait à l’un d’eux quelle constitution il serait disposé à accorder aux Indous devenus majeurs, s’il était pour le vote restreint ou pour le suffrage universel. Il répondit : Je suis pour qu’on ne déraisonne pas.

Le but que poursuit le gouvernement de l’Inde est de faire aux Indous une part toujours plus grande dans leurs affaires, de les acheminer par degrés au self-government, en tant qu’il est compatible avec les intérêts et l’autorité de l’Angleterre. Ce que nous devons nous proposer en Algérie, c’est d’étendre de plus en plus le territoire civil, de développer les institutions judiciaires, de transformer les communes mixtes en communes de plein exercice. Mais cette transformation ne peut s’accomplir par des mesures précipitées, par une politique d’à-coups ; il nous est interdit de brûler les étapes, de brusquer les transitions. On proteste contre la dictature de l’épaulette : veut-on la remplacer par l’anarchie ? On déclame contre les bureaux arabes : est-il permis d’oublier les précieux services qu’ils ont rendus ? Il y a deux Algéries, l’une civile, l’autre arabe et militaire ; on désire qu’il n’y en ait plus qu’une et on a raison, mais cela ne peut se faire en un jour. « Tous les efforts seraient impuissans, a dit M. Vernes d’Arlandes, si l’on perdait de vue que ce pays demande à être commandé encore plus qu’administré et qu’il ne peut comprendre l’autorité qu’autant qu’elle se manifeste à lui par une action rapide et incessante. » M. de Tchihatchef affirme, de son côté, « qu’il y aurait du danger à trop hâter l’époque où une population indigène d’environ un million et demi, placée sous la tutelle militaire, doit passer au régime qui administre les Européens. » En visitant plusieurs communes mixtes, il a été frappé « de la facilité avec laquelle fonctionnent les rouages si simples de l’administration militaire, » et il a compris « combien un tel régime répond mieux aux habitudes patriarcales de ces peuples que la machine compliquée du régime civil. » Il ajoute « qu’en multipliant les employés en frac noir et à cravate blanche, on ne fêtait que grossir inutilement le