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Quel que fût son but, Catherine se décida à s’en ouvrir d’une manière détournée à sir Thomas Smith, qui la suivait dans ce long voyage. Dans un de ces entretiens familiers qu’elle avait souvent avec lui, elle lui demanda si la reine Elisabeth avait choisi ceux qu’elle devait désigner pour recevoir le collier de l’ordre de Saint-Michel. Smith lui ayant répondu que la reine voulait réfléchir encore avant de choisir Robert Dudley et un autre : « À quand son mariage, répliqua-t-elle, et pourquoi n’épouse-t-elle pas Dudley ? » À la première question Smith répondit qu’il n’en savait rien ; à la seconde qu’il ne pouvait dire ni oui, ni non. À diverses reprises, les membres, du parlement l’avaient invitée à se marier, mais sans lui désigner personne, s’en remettant uniquement à son choix. « La raison en est bien simple, reprit Catherine ; ils préfèrent, un Anglais à un étranger. » Smith observant qu’il y avait des raisons pour et contre et que les opinions étaient partagées : « Quelle est la vôtre ? » lui dit-elle. Et comme il ne répondait pas : « On voit bien, reprit-elle, que vous aimez Dudley ; si cela ne dépendait que de vous, ce ne serait pas long. » Il répondit qu’en effet il aimait Dudley et qu’en tout temps il était prêt à lui rendre service. Au moment où il allait la quitter, elle lui dit à mots couverts qu’elle serait heureuse de voir la reine agréer le roi son fils ; mais elle laissa passer encore deux mois avant d’en écrire à notre ambassadeur à Londres et de le charger officiellement de la proposition. Pour lui faciliter la tâche, elle fit écrire à Elisabeth par Mme de Crussol, sa plus intime confidente, une de ces lettres ambiguës dont il faut chercher le sens à travers les lignes.

Mme de Crussol passait pour à demi protestante, c’était la langue la plus affilée de la cour ; le jeune roi l’appelait sa vieille lanterne et se disait son jeune falot. Catherine ne pouvait choisir une plus fine interprète de sa pensée. Après force protestations des sentimens d’amitié que Catherine portait à la plus parfaite sœur qu’elle eût au monde et force complimens « sur les grâces et perfections que Dieu avoit mises en Elisabeth, » Mme de Crussol terminait ainsi sa lettre : « Je vous dirai davantage, Madame, que, si mes souhaits avoient lieu, vous ne seriez, avec une bonne occasion, sans espérance de nous voir un jour ; si j’étois une des poupines que Sa Majesté vous envoie présentement, je vous en dirois davantage. »

Le choix que Catherine avait fait de Paul de Foix pour négociateur du mariage de Charles IX. était des plus heureux. Arrêté en plein parlement avec Dubourg et du Ferrier, dans la mémorable séance présidée par Henri. Il et qui précéda de : si peu de jours sa mort, de Foix, mis à l’écart sous François II pour ses opinions religieuses, était rentré en faveur sous la régence de Catherine, et il devait à sa tolérance en fait de religion la haute situation