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Pendant ces débats entre le père et le fils, qui se terminaient d’ordinaire par un accès d’impatience du premier, ce qui, quoique fort naturel, n’était pas très sage, lady Athelstone, ennemie de toute discussion, ne cessait d’examiner ses ongles. Elle ne doutait pas que son mari ne fût dans le vrai, mais quel dommage de refouler ainsi le généreux enthousiasme de ce cher garçon ! S’ils pouvaient s’entendre, cela vaudrait bien mieux. Souriant à Wilfred, elle lui permit de l’accompagner dans la tournée qu’elle devait faire le surlendemain à Ripple d’un cottage à l’autre.

Ils commencèrent naturellement par M"* Dawson. Quand le poney-chaise s’arrêta devant la maisonnette précédée d’une étroite allée toute parfumée de chèvrefeuille, Mme Dawson savonnait dans sa cuisine et Nellie l’aidait à tordre le linge.

Il y avait dans cette visite imprévue de quoi déconcerter une ménagère ; mais celle-ci était à la fois très simple et aussi éloignée que possible de la vulgarité. Tout en s’excusant, elle ne perdit pas la tête, s’essuya rapidement les mains et ouvrit la porte d’un petit parloir propret. Pâle et maigre, elle gardait quelques traces de beauté ; le chagrin et le travail l’avaient vieillie avant le temps, son visage ne savait plus exprimer la joie, mais ses manières étaient singulièrement douces.

Tandis que Wilfred offrait à la petite fille un recueil de ballades choisies en lui indiquant celles qu’elle devait apprendre par cœur, et que Nellie rougissait de telle sorte que ses joues pouvaient rivaliser d’éclat avec la couverture cramoisie du volume, lady Athelstone entama la conversation.

— Votre fille a beaucoup grandi, madame Dawson, et je vois qu’elle commence à se rendre utile.

— Oui, mylady, c’est une bonne enfant ; si elle pouvait seulement se mettre plus volontiers à la couture !.. Mais comme elle garde son rang à la tête de l’école, il faut me contenter de cela, sans doute.

— Elle n’aime pas l’aiguille ? reprit lady Athelstone, cédant à cette disposition qu’ont tous les petits esprits de relever des peccadilles ; c’est fâcheux. Que fera-t-elle en ce monde si elle ne veut pas coudre ?

— Elle s’y habituera petit à petit, mylady ; du reste, elle est adroite et m’aide en tout autant qu’elle peut.

Nellie était dans la cuisine, absorbée par son livre, que le jeune gentleman, assis à côté d’elle, lui expliquait, de sorte que ni l’un ni l’autre n’entendait cette conversation.

— A la bonne heure ! Nous verrons ce qu’il sera possible de faire pour elle avec le temps,.. et d’abord dans quelle voie pensez-vous la pousser ?