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sommet du fort, à 2 milles du mouillage de Kororarika, flotte le pavillon anglais. C’est là que le gouverneur, M. Hobson, est installé avec un nombreux personnel administratif et une garnison de cent trente hommes. Trois bâtimens de guerre semblent attachés à la colonie. On annonce que, dès la fin de l’année, le siège du gouvernement sera transféré à Waïtemata, sur le golfe de Houraki. On parle avec un sentiment d’orgueil du nombre considérable d’Anglais établis à l’entrée du détroit de Cook et au fond de la plupart des baies importantes comme propriétaires de terrains achetés aux aborigènes.

Pour entrer en explications avec le commandant de l’Aube M. Hobson exige que son titre de lieutenant-gouverneur soit reconnu. Dans des conjonctures pénibles pour l’officier français, le capitaine Lavaud trouve une assistance précieuse de la part de l’évêque, M. de Pompalier, qui a l’estime, la considération, le respect de tous les Européens et des Maoris. M. Hobson déclare au commandant français de l’Aube que, sous la domination anglaise, les Français pourront résider au port d’Akaroa et travailler sans trouble. Il promet d’accorder protection au baron de Thierry et, afin de lui épargner de nouvelles vexations, d’envoyer à Hokianga un magistrat de justice[1]. Pourtant des complications ne tardent guère à surgir ; le capitaine Lavaud apprend que la propriété de la péninsule de Banks est revendiquée en grande partie ou en totalité par plusieurs Anglais qui prétendent avoir des titres indiscutables[2]. Il ne faut pas trop s’étonner, on a vu qu’en l’absence d’occupations, les naturels vendent volontiers les mêmes terres à différentes personnes.

Parti de France, le 21 mars 1840, le Comte-de-Paris, chargé des émigrans, apparaissait le 9 août dans les eaux de la péninsule de Banks. Ne pouvant entrer dans le port d’Akaroa, il se rendit à la baie des Pigeons, et le capitaine Langlois se mettait en communication avec des chefs maoris ; il aurait renouvelé, suivant une déclaration ultérieure, son contrat avec les indigènes. L’Aube n’arrive devant Akaroa que le 15 août; — la proclamation du 21 mai apportée par la corvette le Herald, est affichée sur les maisons des

  1. Lettre du capitaine Lavaud, en date du 19 juillet 1840. (Archives du ministère de la marine.) On a dit que l’expédition française avait paru à la baie des Iles quatre jours après la déclaration de prise de possession par l’Angleterre (Findlay A Directory for the navigation in the South Pacific Ocean); d’autres seulement un jour trop tard. Le fait est absolument inexact ; le traité de Waïtangi date du 6 février 1840 ; la proclamation déclarant la souveraineté de la couronne d’Angleterre sur toute la Nouvelle-Zélande du 21 mai. Au reste, les récits relatifs à l’expédition française publiés jusqu’à présent, tous très incomplets, sont plus ou moins entachés d’erreurs. Ce que nous rapportons est tiré des pièces authentiques déposées dans les archives du ministère de la marine.
  2. Lettre datée de la baie des Iles, 24 juillet 1840.