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ensemble, elles étaient nécessaires l’une à l’autre. Supposez que l’une des trois ait manqué, que les chemins de fer aient été exploités sans l’aide de la télégraphie électrique, ou que les deux premières n’aient pas vu apparaître presque en même temps une plus grande abondance d’or, évidemment le progrès ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui; l’argent, malgré le perfectionnement du crédit, n’aurait pu suffire aux besoins nouveaux. La simultanéité de ces découvertes a été vraiment une rencontre providentielle.

On voudra bien le reconnaître, mais on dira que ce n’est pas une raison pour rejeter l’argent; on a d’autant plus besoin des deux métaux que le progrès a été plus grand, nous voulons l’admettre ; seulement il faudrait qu’on parvînt à les faire circuler ensemble l’un à côté de l’autre. — Cela ne s’est jamais vu, toujours l’un a prévalu sur l’autre et est resté seul dans la circulation, tantôt l’argent, tantôt l’or, selon les circonstances. Donc la conférence avait la prétention de traduire l’or à sa barre et de lui démontrer qu’il était trop ambitieux en voulant envahir toutes les transactions ; il devait laisser une place au moins égale à l’argent et, au besoin, on saurait l’y contraindre par un accord entre toutes les nations. Cela rappelle un peu toujours le cri de Galilée. E pur si muove, aurait-on pu répondre pour l’or ; c’est-à-dire : Vous aurez beau faire et recourir à la loi pour des matières qui ne sont pas de sa compétence, vous ne changerez rien au fond des choses; l’or sera toujours préféré à l’argent et restera l’instrument principal de libération. Seulement, à la différence des juges de Galilée, qui, en condamnant ce grand homme et décrétant l’immobilité de la terre, ne changeaient rien aux révolutions célestes et ne faisaient tort qu’à eux-mêmes, ici le dommage serait non-seulement pour l’honneur de ceux qui auraient édicté une pareille loi, mais encore pour les états où on chercherait à l’appliquer. Il en résulterait un trouble immense dont on se ressentirait longtemps.

Avant de le démontrer, ce qui sera l’objet principal de ce travail, continuons à analyser les procès-verbaux de la conférence monétaire et indiquons en fin de compte à quel résultat elle est arrivée. Nous le répétons, après la déclaration si nette et si formelle des délégués de l’Allemagne et de l’Angleterre, il n’y avait plus rien à faire quant au but principal qu’on poursuivait. L’accord universel sur le rapport de 15 1/2 de l’argent et le libre monnayage dans tous les pays était impossible; si on voulait réussir à quelque chose, il fallait se rabattre sur des solutions moins importantes. C’est dans cette pensée, en effet, qu’on a proposé de remplacer par de l’argent toutes les coupures de papier-monnaie au-dessous de 20 francs, ainsi que les pièces d’or de 5 francs, et de 5 marcs et même celles de 10 francs,