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de 10 marcs et de 10 shillings; de cette façon, on utiliserait comme monnaie divisionnaire une partie notable du métal d’argent dont on ne peut plus faire usage comme monnaie principale, et la dépréciation serait peut-être un peu conjurée. Cette proposition a été présentée avec habileté par le délégué russe, M. Thoerner, appuyée par M. Broch, délégué de la Norvège, et défendue même par M. Dumas, un de nos délégués français. Elle n’a pas été mise aux voix, à proprement parler, parce que jusqu’à la fin on a voulu espérer mieux, mais personne ne l’a combattue, et elle a été mise en réserve pour plus tard si la conférence doit se réunir encore. Cela ressemblait un peu, il est vrai, à la montagne qui accouche d’une souris ; mais, cette souris, il n’en faut pas médire, elle peut avoir son utilité. Il est évident que le papier-monnaie au-dessous de 20 francs est une mauvaise chose et un expédient fâcheux pour les états qui sont obligés d’y avoir recours. Il n’est pas moins évident que les pièces de 5 francs ou de 5 marcs en or sont peu agréées du public; elles paraissent trop petites, se perdent et s’usent très vite, on s’en débarrasserait avec avantage. Quant aux pièces de 10 francs, de 10 marcs et de 10 shillings, elles s’usent aussi trop rapidement. On a calculé que la livre sterling pouvait durer sans altération sérieuse plus de vingt ans, même en circulant beaucoup, tandis que la pièce d’une 1/2 livre perd son poids légal au bout de dix ans, — c’est une vérification qui a été faite il y a quelques années avec un grand soin par le professeur anglais Jevons, — mais ces pièces sont bien acceptées du public et ont leur utilité ; enfin la question a été réservée, et, en attendant, la conférence, après avoir discuté inutilement pendant trois mois, voyant qu’elle ne pouvait aboutir, s’est séparée, et a remis à des négociations diplomatiques le soin de mieux préparer le terrain pour une nouvelle réunion au mois d’avril 1882. Toutefois, avant sa séparation, elle a voté l’ordre du jour suivant, proposé par l’ancien gouverneur de la Banque de France, M. Denormandie : « La conférence, considérant que les déclarations faites par plusieurs délégués l’ont été au nom de leurs gouvernemens, qu’il est permis de croire qu’une entente pourrait s’établir entre les États qui ont pris part à la conférence, mais qu’il convient de suspendre la réunion des délégués ; qu’en effet, la situation monétaire peut, pour quelques états, motiver l’intervention des pouvoirs publics et qu’il y a lieu de faire place, quant à présent, à des négociations diplomatiques, s’ajourne jusqu’au mercredi 12 avril 1882.» Voilà ce qu’on peut appeler un ordre du jour fait pour sauver l’honneur de la conférence.