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fonctions, l’examen des ouvrages qui traitaient de politique extérieure ou de droit des gens. Ces détails ont pourtant leur prix. Je ne sais trop encore pour quelle raison Sainte-Beuve a négligé de qualifier comme elle le méritait la piteuse rétractation d’Helvétius. « Je souhaite très vivement et très sincèrement que tous ceux qui auront eu le malheur de lire cet ouvrage me fassent la grâce de ne me point juger d’après la fatale impression qui leur en sera restée. » Comme si ce n’était pas pour faire du bruit qu’Helvétius avait mis au jour son plat ouvrage, et comme s’il n’avait pas spéculé, dans le même temps qu’il le composait, sur le scandale que son paradoxe exciterait ! Finissons-en donc une bonne fois de ces récriminations hypocrites. Helvétius, aussi galant homme d’ailleurs qu’il vous plaira, mais ceci ne fait rien à l’affaire, et tourmenté de la manie d’écrire, quoique la prétention lui allât comme une bague à un chat, voulait du tapage autour de son nom. S’il en eut plus qu’il ne voulait, c’est que la politique a de ces mécomptes. Mais je n’aurai pas la naïveté de l’aller plaindre, parce que, ayant cherché délibérément un peu de cette célébrité que donne toujours la persécution, il trouva que la persécution passait les bornes que dans le secret de ses calculs il lui avait assignées. Quiconque tente un coup de partie doit savoir ce qu’il risque, et s’il perd, se montrer beau joueur : ce fermier-général ne fut pas philosophe.

Cependant le parlement avait évoqué l’affaire. Le parlement, en s’arrogeant, comme dit Sainte-Beuve, le droit de juger le livre, empiétait-il sur la juridiction du chancelier? Je n’en sais rien, la question serait difficile à trancher, mais je ne le crois pas. La concession du privilège, l’approbation du censeur, l’autorité du directeur de la librairie, ne pouvaient pas avoir pour effet d’arrêter l’action du ministère public. La sécurité de l’avocat-général. Orner Joly de Fleury, quand il invite Malesherbes « à suspendre le débit du livre jusqu’à ce qu’il ait pu s’en faire une opinion, » ne semble pas du moins indiquer qu’il ait l’ombre seulement d’un doute sur l’intégrité de son droit. Et si j’ai bien compris un échange de lettres à ce sujet entre Malesherbes, Bernis, et Tercier, c’est sur un autre point que le conflit s’éleva, savoir : la prétention qu’affecta le parlement d’envelopper Tercier dans la procédure, c’est-à-dire, puisque le censeur, comme on l’a vu, ne tenait ses pouvoirs que de la désignation du chancelier, le chancelier lui-même. Il faut ajouter que c’était Bernis lui-même qui s’était avisé de pousser Tercier à se livrer, en quelque sorte, je ne sais par quelle démarche, au jugement du Parlement. Ce fut sans doute aussi Bernis qui lui conseilla de donner sa démission de censeur, à quoi Malesherbes répondit qu’on prenait une peine bien inutile, attendu que le nom de M. Tercier était déjà rayé pour l’année 1759 de la liste des censeurs royaux. Un dernier fait