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projet turc : du caïmakan, de quatre membres nommés par la population (deux musulmans, deux non musulmans), du mufti, des chefs religieux se succédant à tour de rôle, du mal-mudiri, du chef de la correspondance ; et, d’après le projet de la commission internationale : du caïmakan, du muavin, du mal-mudiri et de quatre membres élus par les conseils des nahiès. Enfin les nahiès elles-mêmes, qui forment la dernière division administrative et qui comprennent de cinq à dix mille habitans, ont à leur tête un mudir (maire) désigné par le mutessarif parmi les membres du conseil de nahiè et confirmé par le vali et par un muavin qui lui sert d’adjoint. Dans les deux projets, le conseil du nahiè est composé de quatre à douze membres élus par la population.

Tel est, dans ses lignes générales, le projet de réforme administrative élaboré par la Porte Ottomane, en vertu des engagemens pris à Berlin, et modifié, comme on l’a vu, par la commission internationale, qui a donné à la Roumélie orientale ses institutions particulières. Jusqu’ici la Porte n’a point accepté les modifications de la commission ; celle-ci a dû faire paraître son projet à part, comme une œuvre distincte, séparée, personnelle. Que la Porte s’y soumette plus tard, le résultat sera le même. Les deux projets se valent ; peut-être même celui de la Turquie est-il le moins inefficace des deux. Ni l’un ni l’autre ne prend le mal à la racine et n’indique le moyen de l’extirper. On a raison de dire sans doute que la corruption dans l’empire ottoman n’existe qu’au sommet, que les provinces renferment des élémens très honnêtes avec lesquels on pourrait constituer un gouvernement et une administration d’une incontestable probité. Mais l’erreur est de croire que cet élément se trouvera parmi les hommes qui composeront les assemblées provinciales, cantonales et communales. Ce n’est pas seulement à Constantinople, c’est dans toutes les provinces qu’à partir des caporaux tous les grades civils ou militaires sont profondément corrompus. Je rappelais tout à l’heure qu’il s’était trouvé, parmi les députés du parlement de Midhat-Pacha, des orateurs capables de signaler les désordres de l’administration turque à la face de la Turquie et de l’Europe. Mais ces orateurs appartenaient-ils aux grandes familles provinciales ? occupaient-ils dans la hiérarchie laïque ou religieuse un rang important ? étaient-ils même de gros propriétaires ? Non : c’étaient des hommes sortis de la bourgeoisie, de la classe populaire, élevés dans les écoles des missions européennes ou dans les meilleures médressés musulmanes, et que le pouvoir ou la fortune n’avaient point encore gangrénés. Ces hommes là seront bannis des méghiz, ou, si quelques-uns d’entre eux parviennent à y entrer, leur voix se perdra sans écho dans le silence