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domaines de ses hauts barons, en même temps qu’il y introduisait les sergens de ses justices; comment enfin la royauté trouva au jour précis, pour ces fonctions nouvelles, des organes nouveaux, les cours et conseils de justice, de finances et de politique, gardiens du trésor sans cesse accru des traditions monarchiques, et qui défendirent l’intégrité des attributions royales envers et contre tous, même contre le roi. C’est ainsi que la monarchie fit l’unité de la France, et, renversant les hautes barrières intérieures, étendit les regards des Français jusqu’à la frontière, au moment même où ce long contact avec l’étranger, qui fut la guerre de cent ans, révélait la patrie, comme le moi prend conscience de lui-même au contact du non-moi.

Ne faut-il pas apprendre à de jeunes Français l’histoire de cette formation de la France? Ne peut-on leur montrer aussi que la monarchie est devenue absolue, en faisant l’unité, et que les trois ordres de la nation ont été vaincus les uns après les autres, pour s’être haïs les uns les autres, et pour avoir combattu tantôt église et tiers-état contre noblesse, tantôt noblesse et tiers-état contre clergé, tantôt noblesse et clergé contre tiers-état, toujours sous le commandement du roi, de sorte que chacun d’eux a imité le cheval qui voulait se venger du cerf et s’est asservi par sa victoire? Ces origines expliquées, reste à suivre la marche fatale d’un pouvoir sans ennemis et sans obstacles, qui perd toute mesure, s’arrête au milieu de son œuvre, pour en jouir; laisse aux privilégiés leurs privilèges, après avoir détruit l’autorité politique qui en était la raison d’être ; se fait un cortège des adversaires d’autrefois ; exploite avec eux le royaume à outrance ; prodigue l’argent et le sang des sujets; laisse tomber à dessein l’obscurité sur les vieilles lois et les vieilles coutumes, et, ne sachant plus d’où il est venu ni où il va, ne trouve rien à répondre quand la raison publique éveillée lui demande des comptes que la force révolutionnaire finit par lui arracher.

Encore une fois, il faudrait sous les mots montrer les faits et mettre en actions l’histoire comme on fait pour la morale, afin d’en graver les préceptes dans le cœur des enfans. On enseignerait par la même méthode l’histoire des guerres et des relations extérieures, laissant tomber quantité de menus faits et de noms de batailles, mais peignant la guerre avec ses aspects multiples : sauvage et brutale au temps mérovingien; sauvage, mais grande et civilisatrice au temps carolingien ; devenue le droit de chacun au temps féodal pour n’être plus ensuite qu’un droit du roi. On décrirait quelques combats bien choisis; on mettrait aux prises les casques et les turbans, les chevaliers de France et les milices de Flandre et d’Angleterre ; on culbuterait les escadrons féodaux dans le fossé de Courtral, pour leur donner leur revanche à Mons-en-Puelle.