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On ferait comprendre la puissance de ce grand personnage historique, le canon. On raconterait l’histoire du métier militaire, jusqu’au jour où il y a eu un devoir militaire et où la guerre, de monarchique qu’elle était, est devenue nationale et plus terrible, puisqu’elle peut aujourd’hui décider même de la vie d’un peuple. L’histoire militaire est l’occasion naturelle de faire connaître l’étranger et de découvrir ainsi aux yeux de l’élève le monde extérieur, de dire l’essentiel sur la vie de chacun des grands peuples et d’expliquer pourquoi, en se mesurant avec nous, à telle ou telle date, ils ont été victorieux ou vaincus ; car il y a des raisons à toutes les victoires et à toutes les défaites.

On dira que le champ est immense et que des enfans sont bien petits pour y suivre le maître ; mais on a pour soi le temps et le progrès de la raison enfantine. Je parlais tout à l’heure d’une petite classe primaire, du premier degré de l’enseignement historique. Quand on a ainsi confié à la mémoire de tout jeunes enfans quelques notions justes et pittoresques sur les périodes diverses de l’histoire, il est aisé de les reprendre dans la suite et d’y ajouter, chaque année apportant son contingent d’idées et de faits nouveaux. Cela est plus aisé encore aux maîtres des collèges qui gardent les enfans jusqu’à ce qu’il soient devenus des jeunes gens dont l’esprit est mûr pour l’intelligence des choses difficiles.

Il faut se hâter de régénérer l’enseignement historique par l’étude approfondie de l’histoire : c’est une œuvre de nécessité publique. Je me garde d’enfler ici la voix et de me porter garant que la connaissance de l’histoire répandue dans la nation serait un remède à tous les maux possibles. On a dit, — un philosophe évidemment, — que le monde serait heureux s’il était gouverné par des philosophes : je ne demande point qu’il soit gouverné par des historiens. Il y a entre la politique et l’histoire des différences essentielles, en ce pays surtout où ne subsiste aucune force historique léguée par le passé et dont il faille étudier la puissance pour la ménager. Le politique peut se passer d’être un érudit en histoire : il suffit qu’il connaisse les idées, les passions et les intérêts, qui sont les mobiles des opinions et des actes dans la France contemporaine. Même, j’imagine qu’un véritable historien serait un homme d’état médiocre, parce que le respect des ruines l’empêcherait de se résigner aux sacrifices nécessaires. Il ne faudrait pas confier l’assainissement de Paris à la Société de l’histoire de Paris et de l’Ile-de-France ; des archéologues sont capables de respecter la fièvre, si elle habite un vieux palais. Mais si l’histoire ne donne aucune notion précise qui puisse être employée dans telle ou telle partie du gouvernement, n’explique-t-elle point les qualités comme les défauts du tempérament